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11.12.2008

Intervention de Jean-Paul Dumas

Voici le texte de l'intervention de Jean-Paul Dumas, lors des Rencontres-cénacle-laboratoire des 4 et 5 septembre 2007 au Nombril du monde, à Pougne-Hérisson. Jean-Paul Dumas est directeur du centre culturel de Terrasson, scène conventionnée « Scènes du paysage » (Dordogne).

Je démarrerai une brève intervention en reprenant une phrase d’un conte : « c’est en marchant qu’on fait le chemin ». Ce qui me plaît bien dans l’idée du chemin c’est qu’un chemin existe quand on est plusieurs à avoir passé ou à passer par le même endroit : animaux, hommes, accidents de la nature… Ce que je sais au jour d’aujourd’hui c’est que nous sommes trois à avoir envie de se revoir, de bosser ensemble et de partager un certain nombre de valeurs et de convictions. J’espère que demain nous serons encore plus, mais que je ne suis pas dans le prosélytisme de toute façon. « L’homme est un animal solitaire qui vit en troupeau, mais il n’en demeure pas moins solitaire ». Ce qui m’intéresse particulièrement dans les Arts du chemin c’est que c’est, pour le directeur de scène conventionnée que je suis, un outil de plus pour mettre du lien avec du territoire, avec ce qui constitue le territoire et avec ceux qui veulent bien vivre le territoire, non pas sur des notions d’exclusion mais sur des notions de territoire partagé. Pourquoi on se priverait de ça ? La présence des arts de la rue sur le territoire sur lequel je vis et je travaille m’y parait tout à fait logique de par la réalité rurbaine et prolonger par les Arts du chemin, compléter, trouver d’autres pistes c’est très bien, et ça ne fait pas non plus « cracher » sur l’idée d’avoir un minimum d’installation pour pouvoir travailler.
C’est vrai qu’il y a des gens qui peuvent fonctionner en harmonie avec le pouvoir qu’incarnent les élus. Moi, j’ai plutôt tendance, compte tenu des caractéristiques locales, à fonctionner clairement en opposition. Je n’ai pas fait vœu de le faire. Au début, avec les spectacles de théâtre de rue, comme tout le monde riait, qu’il y avait beaucoup de monde, mes élus étaient ravis ; le jour où Générique Vapeur a mis un âne avec une ceinture tricolore au perron de la mairie, ils ont commencé à trouver ça un peu moins rigolo. Nous avons mis en place des tables d’hôtes du territoire, c'est-à-dire le lieu de la République - la salle des fêtes, où on vote, où il y a les mariages, où il y a les gueuletons - la population du village, un ou deux intervenants extérieurs et on discute de débats de société. Alors, ça ne fait peut être pas partie des Arts du chemin, mais ça fait en tout cas partie d’une façon collective et citoyenne d’interroger le territoire. Je constate qu’au bout de trois ans, vus les thèmes abordés par les gens et les réponses données, la plupart des élus commencent à trouver ça beaucoup moins opportun, que, peut être, ce serait mieux de parler des choses un peu plus consensuelles. Donc, moi je suis rentré là-dedans et pour continuer dans ce désir de n’être pas consensuel, dans ce refus du formatage systématique des spectacles, qui correspond, dans une société, au formatage délibéré des goûts des gens. Je ne crois pas qu’on naisse en aimant spontanément les Mc Do, je crois qu’il y a un formatage voulu. Au niveau des spectacles, c’est un peu pareil. Il y a des moments où, quand je prends les plaquettes, je ne me sens absolument pas meilleur que les autres, je me dis qu’on changerait juste la première page, ça pourrait convenir dans beaucoup de cas. […] Il me semble que les arts du chemin, donc ce rapport au territoire, peuvent justement permettre d’explorer d’autres façons de vivre le territoire, et de le vivre ensemble.
Il m’a semblé que nous avions tous à réfléchir et à travailler ensemble sur les jardins, sur le paysage, sur ce que ça peut vouloir dire, sur des définitions et peut être à nous écarter un peu d’une vision qui m’est apparue quelque peu « rousseauiste » sur la nature, le monde rural est forcément bucolique… […]
Le monde du spectacle est aussi une forme de biodiversité qu’il nous faut absolument préserver si on veut pouvoir vivre ce territoire et faire entrer le territoire dans le patrimoine. Ce qui m’intéresse dans le terme de patrimoine c’est l’idée de transmission. Et en ce sens là, tout ce que nous faisons c’est du patrimoine et en même temps parce que c’est à transmettre.
C’est pour ça que j’aime bien les chemins, c’est qu’il n’y a pas de péages, ce ne sont pas des autoroutes, il n’y a pas d’enjeux. Un chemin apparaît généralement comme dérisoire et j’ai le sentiment et la conviction d’exercer un métier dérisoire et de dérision.

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