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11.12.2008

Bilan et synthèse d'ateliers de réflexion

Bilan des ateliers des Rencontres-cénacle-laboratoire des 4 et 5 septembre 2007 au Nombril du monde, à Pougne-Hérisson.

Synthèse des trois ateliers du matin
Orchestrée par André CURMI

· Atelier a : Nature, environnement, paysage Les Arts du chemin entretiennent-ils un rapport spécifique à l’espace ?
Rapporteur : Anne ROME

On voit se dégager plusieurs grandes lignes de cet atelier :

Il y a vraiment une révélation à la fois physique et symbolique sur le besoin de sortir des salles et de travailler avec l’élément nature, ou espace, ou lieu qui intervient comme un élément de spectacle avec lequel il faut composer ; cet élément étant composé de différentes strates de vécu.

On ressent un besoin sur les territoires d’un travail collectif. Celui-ci restant à mettre en place. Il faut travailler avec de nouveaux partenaires. cela bouscule un peu les habitudes de travail.
Cela demande du temps. Et ce temps de construction d’une action collective est souvent à l’opposé d’une logique économique libérale qui, elle, ne laisse pas de temps.
Cela ne va pas venir du haut. C’est sur place, à la base, qu’il faut commencer à agir pour faire remonter la proposition. Et c'est après que les choses s’enchaînent par rapport aux décisions et aux financements, à la mise en place, etc. »

Cela ne procède pas de la seule envie de sortir des salles. Et ça permet une révélation y compris physique dans le jeu des artistes, qu’ils soient acteurs, qu’ils soient danseurs, qu’ils soient musiciens : une révélation physique par l’espace lui-même. »


· Atelier b : De la légitimité d'une forme artistique émergente Arts du chemin ou Arts de la Rue à la campagne ?
Rapporteur : Pascal DUFORESTEL

Est-ce qu’une forme artistique doit être légitime pour exister ?

Il n’y a pas de bon chemin, il y a des chemins. On peut créer en milieu rural comme en milieu urbain. Il n’y a pas de différence entre la ville et la campagne, il faut à chaque fois s’adapter. Peut importe le chemin, ce qui compte, c’est de cheminer. Et pour paraphraser Bruno Schnebelin : « Le patrimoine laisse des traces. Les Arts du chemin tracent des liens ».

Des arts en chemin ce n’est ni urbain, ni rural. Ce qui compte, c’est créer du lien en racontant des histoires et, qui dit du lien, dit non seulement du lien social, mais aussi du lien avec le territoire et ses habitants.

Que contestent les arts en chemin et quelle alternative représentent-ils ? Quelle utopie ?


· Atelier c : Art et société Les Arts du chemin : réponse artistique spécifique aux problématiques sociétales contemporaines ou simple effet de mode ? Tendance ? Phénomène ?
Rapporteur : Paul FAUCONNIER

Importance du parcours : le chemin sert aussi à cheminer, à marcher et à avancer. Il y a un travail de réouverture des pistes oubliées à faire.

« L’artiste a quelque chose à dire, il est porteur de quelque chose. Ce qu’il a à dire doit-il s’adapter au lieu, aux circonstances ? N’est-ce pas là, en quelque sorte, se vendre ? Doit-on conformer son discours artistique ou l’adapter à ce qu’on attend - « on » étant l’organisateur-payeur ?

L’adaptation au lieu n’est pas toujours et uniquement un choix marchand. La diversité des lieux ou des territoires entraîne une diversité des discours et permet une rencontre ou des rencontres qui sont chaque fois différentes avec des populations chaque fois différentes.
On en revient finalement à une sorte de dichotomie entre conformer un territoire pour qu’il accueille telle performance ou demander à l’artiste de réinterroger et d’explorer différemment le territoire et donc, en quelques sorte, d’offrir un autre prisme, un autre point de vue.

Cela peut être un révélateur de territoires abandonnés. La véritable adresse est celle à une population plutôt qu’à un public et, du coup, ce public se comporte comme une population, c'est-à-dire qu’il peut venir non seulement pour le lieu, mais aussi avec un état d’esprit. Évidemment, cette question peut être amplifiée s’il y a une véritable appropriation de cet enjeu par les artistes eux-mêmes.

Si cela a existé avec une certaine vitalité, c’est en partie révélateur d’une certaine forme d’échec de la culture administrée.

Synthèse des trois ateliers de l'après-midi
Intervention d’André Curmi

Ces six questions d’atelier - celles du matin et celles de l'après-midi - qui ont été traitées, ont apporté des réponses assez productives même si elles n’ont pas correspondu point par point à la question qui était exactement posée. Toutes tournaient autour d’une préoccupation qui est, finalement : « Existe-t-il véritablement quelque chose de particulier ? Est-ce que ça s’inscrit ou est ce que ça décrit une autre forme d’organisation à la fois économique et sociale ? Enfin, est ce que ça mérite, si ce n’est d’être classifié ou classé, d’être au moins nommé ou un peu précisé dans sa définition ? »


· Atelier a : La relation œuvre – publics – populations – praticiens – usagers – consommateurs... Les Arts du chemin engendrent-ils de nouveaux liens ? Offrent-ils de nouvelles pistes ? Ou proposent-ils d’autres conditions pour que des liens se créent ?
Rapporteur : Isabelle AURICOSTE

Quel est le rôle de l’artiste dans cette histoire là ? Est-ce que l’artiste est là pour réenchanter le monde, l’enchanter, apporter l’étincelle avec son regard extérieur sur le lieu, la situation ? Ou est-ce que l’enchantement naîtrait d’un travail partagé, élaboré entre l’artiste et la population et, éventuellement, les politiques ?

Cette forme artistique arts de la rue/arts du chemin existe malgré tout. Elle est possible, puisqu’elle existe. Ce dont elle a besoin c’est d’être nommée, d’être définie et cernée un peu mieux et, au fond, d’être reconnue pour ce qu’elle est, c'est-à-dire pour sa singularité, pour ce qu’elle apporte d’exceptionnel.

La dimension du projet est essentielle et joue un rôle dans la création du lien. Le processus même de la réalisation, de la mise en œuvre jusqu’au bout du projet, joue son rôle dans la possibilité de lien. Il y a à imaginer ou à se donner du mal pour mettre en œuvre des moyens et pour faire travailler les artistes dans le territoire. Faire travailler les artistes dans le territoire, ça veut dire activer des moyens un peu différents, un peu spécifiques, qui permettent de prendre en compte la spécificité de ce type de travail.

Le lien, c’est aussi celui qu’il faut opérer entre les différents secteurs de l’action publique, parce que ça nécessite de renforcer les invitations du local jusqu’au niveau de l’intercommunalité et de participer, dans le même temps, d’une rénovation créative qui fait que le public auquel on s’adresse est aussi acteur de ce qui se produit. C’est même la condition pour que cette forme d’expression artistique existe. L’idée effectivement, c’est qu’ils soient moins sectoriels.



· Atelier b : Médiation artistique, médiation civique, d’une donne nouvelle et de ses limites. L'art en général et les Arts du chemin en particulier ont-ils un rôle à jouer dans la sensibilisation à l'environnement et au paysage ? Quelles sont les limites de cette approche ?
Rapporteur : Jean-Paul DUMAS

On ne peut pas dire que les chemins se soient beaucoup croisés. Ceci étant, ça a eu le mérite que chacun exprime des désirs de projets ou des projets pratiqués depuis des périodes plus ou moins longues. Nous avons parlé nous aussi militantisme, de façon un peu différente, puisque la question était posée de savoir si les Arts du chemin prendraient une position de fait par rapport à l’environnement.

Nous étions quasiment sur des problèmes lexicaux, c'est-à-dire sur des définitions de termes par rapport au paysage, ce qui n’est pas très étonnant vu qu’il y a effectivement plusieurs écoles d’approche du paysage qui ne sont neutres ni idéologiquement ni philosophiquement. Quand on parle de territoire, quand on parle de nature, il y aurait peut être, pour pouvoir mieux travailler ensemble, une, voire plusieurs définitions à prendre en compte.

C’est la diversité des chemins qui a été pointée là, tant dans les modes d’organisation que dans les interventions directes des artistes.

La question qui tourne autour de la constitution d’un réseau dans ce domaine se heurtera d’emblée à une multitude d’indéfinitions ou d’approximations sur l’ensemble des termes qui auront été utilisés aujourd’hui, mais qui sont tous des termes à l’œuvre, c’est cela qui est intéressant : territoire, population, paysage, jardin, chemin…On passe insensiblement des uns aux autres, parce que c’est une chose qui est sans doute extrêmement vivante, qui, sans être forcément une émergence, en tous les cas est en transformation, parce que s’y impliquent sans doute des composantes et des niveaux d’acteurs plus vastes, plus horizontaux, sur des échelles d’interrogations à la fois solidaires et sociales qui n’existent peut être pas dans d’autres secteurs de l’intervention publique dans le spectacle vivant.

Ce sont les mots qui font les choses, donc si on veut les consolider, ou en tous les cas en tirer le bénéfice commun le plus grand, et bien attachons nous à les construire en commun. »

Il y a plus véritablement qu’une genèse ou qu’une génétique d’un secteur, d’une nouvelle forme d’intervention, un effet qui serait plus générationnel, c'est-à-dire quelque chose qui est de l’ordre d’une transformation due à l’âge ou accompagnée par une génération.



· Atelier c : Economie culturelle Un nouveau « marché » ? Pour quel type d’économie ?
Rapporteur : Jany ROUGER

Il y a, globalement, dans ce secteur là, des contraintes assez fortes qui pèsent, en particulier la crise du système de l’intermittence qui pèse bien sûr aujourd’hui fortement sur l’économie de ce secteur.
Parfois, de l’ensemble de ces contraintes - la crise du système de l’intermittence et peut être aussi la rareté de la ressource financière aujourd’hui - naissent des solutions. Elles sont liées à cette contrainte qui génère parfois un système de débrouille. Ces Arts du chemin peuvent être aussi des arts de la débrouille.

Il apparaît qu’il n’y a pas vraiment de spécificité économique dans ce cadre contraint : on s’inscrit dans un champ plus large qui est celui de l’économie du spectacle vivant. Il n’y a pas de forte spécificité, mais, par contre, on peut se reconnaître dans un système de valeurs et c’est peut être ce qui peut fonder un réseau futur. Ce système de valeur repose fondamentalement sur les valeurs de ce qui fonde le tiers secteur (les mutuelles, les coopératives, les associations), donc un autre système économique, avec les valeurs de ce qu’on appelle aujourd’hui l’économie solidaire. »

Peut être aussi une autre approche du rapport au territoire qui participe d’un système économique qui se fonde sur d’autres ressources que la ressource financière, c'est-à-dire que les gens du territoire apportent autre chose, une autre ressource mais qui est à considérer dans une économie au sens très large du terme.

Un troisième élément serait qu’on a peut être une espèce de volonté militante de construire un réseau qui reposerait justement sur ce système de valeurs et qui induirait une solidarité plus forte, en particulier entre les artistes, les diffuseurs, les programmateurs et qui créerait justement les conditions d’un autre type de fonctionnement à une échelle très large, à un réseau très large.


Synthèse des trois derniers ateliers
Intervention d’André Curmi

Les trois ateliers énoncent, finalement, les mêmes exigences ou les mêmes projections, les mêmes dynamiques sous des aspects évidemment un peu plus affirmés ici ou là. Et la progression en institution, logiquement, part de cette question de l’exigence artistique particulière qui existerait et aboutit peut être à un renversement de la proposition qui était : « Répertorier, faire du lien et connaître », connaître pour mieux faire du lien et aboutir à un répertoire pragmatique.


· Atelier a : Répertorier, faire du lien, faire connaître... La nécessité d'un répertoire des Arts du chemin ?

Dans quel sens entendons-nous cette notion de répertorier ? Est-ce qu’il s’agit de répertorier des lieux, des espaces, des propositions artistiques, des artistes ? Avec tout de suite, bien sûr, la peur qu’il y a derrière cette notion de répertoire, de fichier ou liste et qui peut effrayer dans cette mise en case, mise en boîte, et pourtant la nécessité pragmatique de réunir tout ceux qui ont ce désir commun autour de la notion des Arts du chemin qu’ils soient diffuseurs, artistes, politiques culturelles.

La notion des Arts du chemin se retrouve plus autour de désirs communs, d’un mode d’emploi, d’une façon de travailler ensemble et la nécessité de travailler avec et sur la durée. On pense à des expériences de résidence pour permettre une immersion de propositions culturelles dans un territoire. Ces propositions n’étant pas nécessairement des fusions dans le paysage, mais plutôt une relecture du territoire par la proposition artistique, une relecture autant esthétique que relationnelle, une sorte de révélateur particulier avec sa propre chimie et ses propres filtres de la réalité d’un territoire.

Cette rencontre, cette relecture peut se faire en harmonie, mais aussi en violence, en opposition, en réaction, puisque, naturellement, les Arts du chemin ne peuvent pas avoir simplement la mission de protection d’un patrimoine sur un territoire, même si ils peuvent y participer.

De quelle façon ce répertoire, cet annuaire, cette mise en relation, peut se faire ? Il est ressorti à la fois le danger d’être récupéré comme une appellation de plus dans un système pyramidal et le besoin que ce réseau se forme par la mise en réseau de réseaux déjà existants, ce qui pourrait créer un effet de levier avec toute l’histoire de ces réseaux là. Une toile horizontale qui ressemble plus à la toile Internet et qui s’enrichit des propositions et des expériences de chacun, qu’à un système de développement et de financement culturel hiérarchisé qui dirige le système culturel dans lequel on est aujourd’hui essentiellement.

Finalement c’est peut être une forme de véritable décentralisation qui naît et qui est en train de se faire, non pas parce que le centre se déplace ou se répartit, mais parce qu’il n’existe plus. Cette façon de travailler là, c’est tout à fait la décentralisation dans ce qu’elle avait pu être de rêve et d’utopie et non pas dans ce qu’a pu en être la réalisation.


· Atelier b : Réfléchir, s’interroger, rechercher Comment créer les conditions d’une exigence artistique »
Rapporteur : Caroline MELON

Ce qui émerge c’est une nouvelle forme de méthodologie, voire presque de philosophie de mener l’action culturelle puisque l’idée c’est qu’on est plutôt dans des relations horizontales de travail et d’échanges que ce soit entre le territoire regroupant les acteurs de terrain, associations, etc., les élus et les populations, les opérateurs culturels et les artistes. Plus on avance, et plus on voit des modes de travail ensemble qui sortent des relations hiérarchiques.

L’idée est que ça se passe à l’endroit des compétences de chacun et qu’on n’empiète pas sur le savoir de l’autre, donc, par exemple, dans le cadre de commandes d’opérateurs culturels, c’est bien l’opérateur culturel qui pose un cadre et qui, après, fait confiance à l’artiste sur le côté de la création. Ces compétences là […] étant : de la part de l’élu, de mettre en œuvre une politique culturelle, de l’artiste, le côté créatif, de la part de l’opérateur, la connaissance des artistes et sa capacité à dialoguer avec les différents interlocuteurs. »

Ce qui est intéressant dans cette façon là de travailler ensemble et d’échanger, de ne pas être dans des projets clé en main qu’on va accepter les uns les autres, c’est que ça créé des endroits de résistance au projet de chacun. Cela fait avancer et construit autre chose. On est vraiment dans cette idée de travail, de frottement des projets, de rencontre des différentes compétences et des différents moyens de travailler.

Nous nous sommes dit que c’était peut être ça la spécificité des Arts du chemin, cet endroit où on a cette capacité à inventer et à construire ensemble avec les différents partenaires.

C’est aussi l’économie dans laquelle on est qui nous engage vers ces processus de mutualisation, de travailler ensemble, etc.

Créer un réseau c’est, d’une part, lié aux affinités qui se créent dans des rencontres comme celle-ci ; c’est évidemment lié à un besoin, puisqu’il faut que ce réseau ait quelque chose à faire et qu’il serve à quelque chose ; c’est aussi lié à une notion de travail. Une fois que le réseau est créé, parce qu’il y a du désir et du besoin, il faut le faire travailler et il faut qu’il continue à être animé.

L’exigence artistique se situe dans le fait qu’on n’est pas là pour qu’un projet artistique existe dans la demande de subventions mais dans l’élaboration commune de politiques publiques articulées dans un but particulier, justement décalé, peut être, d’autres habitudes de production artistique, celui de créer de l’exception sur la durée et sur un territoire. »


· Atelier c: Développer, accompagner, coproduire... Quel accompagnement collectif ?
Rapporteur : Anne ROME

Ce n’est pas la même façon de production, les mêmes bases de départ quand on travaille avec les Arts du chemin et il y a cette notion de dépaysement ou de « paysement » qui est différente. Donc on a besoin de partenaires différents et on ne peut pas partir avec les mêmes bases et les mêmes méthodes.
Cela apprend à bricoler de nouvelles méthodes. Ce n’est jamais un modèle acquis et il faut que cela rentre aussi dans les cases du ministère de l’administration qui n’est pas tout à fait adapté à la mise en place de ces actions là.

Comment rendre pérenne ? C’est vraiment ce qui donne du sens à cette action. On n’est plus du tout dans une logique d’opportunité mais dans une logique de pérennité, de quelque chose qui va durer et ça change beaucoup dans la démarche. C’est également un espace de correspondance entre nos désirs à trouver, qui n’est pas établi à l’avance.

Il faut savoir perdre du temps pour en gagner. C'est-à-dire qu’en amont il y a toute cette approche du lieu, des lieux, des gens qui font ce lieu qui est vraiment importante. Il faut savoir que ce temps s’évalue dans le projet de départ.

Il y a aussi tout un travail d’assemblage, qui n’est pas toujours évident à mettre en place. Nous n’avons pas les mêmes partenaires qu’habituellement et la base c’est d’abord le travail avec la population.

[1] André Curmi est responsable de l'Observatoire régional du spectacle vivant en Poitou-Charentes

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