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11.21.2008

Objet nature

Auteur : Pénélope Hausermann
Date de création automne : 2009

Soutient : Nil admirari, l’Avant-rue, Friche théatre urbain, Espace Périphérique, cirque Binet
Recherche de co-producteurs en cours
Descriptif :
Je ressens le monde comme une tragédie ; un compte à rebours implicite mais toujours présent. Suspendue dans le vide, en proie au danger, je me raccroche à des racines imaginaires, toujours à même de basculer dans le néant, heurtée par la violence sourde d’une catastrophe annoncée.
Ce sentiment m’a inspiré la création d’un dispositif scénique particulier : un jardin suspendu et mobile, équilibré par des contrepoids d’eau. Le corps entrera en interaction avec ce « socle nature », métaphore de l’interaction explicite de l’humain sur son environnement, mettant en évidence deux espaces : le dessus du jardin - plantes vertes, herbes, mousses… et le dessous, constitué de racines pendantes. Le corps glisse, se contracte, s’allège et se densifie sur ses points d’appui. Les mouvements prennent une vie autonome. Ils suivent un rythme corporel intérieur et transmettent une sensation organique. La projection de vidéos sur l’écran végétal formé par les racines interagira sur le parcours du corps en confrontant le présent et le virtuel.
Métaphore d'une vérité une nature déracinée qui a perdu le sens de la gravité.
Il sagira dans cette recherche d'explorer la solitude.
La solitude de chacun face à son existence, son poids, son corps et son interaction avec la terre, avec la gravité.
Qui dans le dépouillement recherche un essentiel, une vérité.
"Quand tout cesse d'être grave, le sujet lui-même se trouve exposé au risque de la dissoulution.
Déséquilibre :
La légereté positive n'est ni oubli ni déni de la pesanteur, mais la mise en œuvre des forces d'élévation en vue de la constitution d'un contre-poids." Alice Chalanset.


contact: Cie les Intouchables - in.touchh@free.fr - 01 45 45 09 87 et 06 23 03 34 90 - http://in.touchh.free.fr

11.19.2008

Les arts du chemin sur France Bleu

Une interview de Denis Lecat sur France-Bleu Armorique. 5'36 sur les Arts du chemin, et ça s'écoute en cliquant sur le titre du message !...

11.12.2008

Bilan et synthèse d'ateliers de réflexion

Bilan des ateliers des Rencontres-cénacle-laboratoire des 4 et 5 septembre 2007 au Nombril du monde, à Pougne-Hérisson.

Synthèse des trois ateliers du matin
Orchestrée par André CURMI

· Atelier a : Nature, environnement, paysage Les Arts du chemin entretiennent-ils un rapport spécifique à l’espace ?
Rapporteur : Anne ROME

On voit se dégager plusieurs grandes lignes de cet atelier :

Il y a vraiment une révélation à la fois physique et symbolique sur le besoin de sortir des salles et de travailler avec l’élément nature, ou espace, ou lieu qui intervient comme un élément de spectacle avec lequel il faut composer ; cet élément étant composé de différentes strates de vécu.

On ressent un besoin sur les territoires d’un travail collectif. Celui-ci restant à mettre en place. Il faut travailler avec de nouveaux partenaires. cela bouscule un peu les habitudes de travail.
Cela demande du temps. Et ce temps de construction d’une action collective est souvent à l’opposé d’une logique économique libérale qui, elle, ne laisse pas de temps.
Cela ne va pas venir du haut. C’est sur place, à la base, qu’il faut commencer à agir pour faire remonter la proposition. Et c'est après que les choses s’enchaînent par rapport aux décisions et aux financements, à la mise en place, etc. »

Cela ne procède pas de la seule envie de sortir des salles. Et ça permet une révélation y compris physique dans le jeu des artistes, qu’ils soient acteurs, qu’ils soient danseurs, qu’ils soient musiciens : une révélation physique par l’espace lui-même. »


· Atelier b : De la légitimité d'une forme artistique émergente Arts du chemin ou Arts de la Rue à la campagne ?
Rapporteur : Pascal DUFORESTEL

Est-ce qu’une forme artistique doit être légitime pour exister ?

Il n’y a pas de bon chemin, il y a des chemins. On peut créer en milieu rural comme en milieu urbain. Il n’y a pas de différence entre la ville et la campagne, il faut à chaque fois s’adapter. Peut importe le chemin, ce qui compte, c’est de cheminer. Et pour paraphraser Bruno Schnebelin : « Le patrimoine laisse des traces. Les Arts du chemin tracent des liens ».

Des arts en chemin ce n’est ni urbain, ni rural. Ce qui compte, c’est créer du lien en racontant des histoires et, qui dit du lien, dit non seulement du lien social, mais aussi du lien avec le territoire et ses habitants.

Que contestent les arts en chemin et quelle alternative représentent-ils ? Quelle utopie ?


· Atelier c : Art et société Les Arts du chemin : réponse artistique spécifique aux problématiques sociétales contemporaines ou simple effet de mode ? Tendance ? Phénomène ?
Rapporteur : Paul FAUCONNIER

Importance du parcours : le chemin sert aussi à cheminer, à marcher et à avancer. Il y a un travail de réouverture des pistes oubliées à faire.

« L’artiste a quelque chose à dire, il est porteur de quelque chose. Ce qu’il a à dire doit-il s’adapter au lieu, aux circonstances ? N’est-ce pas là, en quelque sorte, se vendre ? Doit-on conformer son discours artistique ou l’adapter à ce qu’on attend - « on » étant l’organisateur-payeur ?

L’adaptation au lieu n’est pas toujours et uniquement un choix marchand. La diversité des lieux ou des territoires entraîne une diversité des discours et permet une rencontre ou des rencontres qui sont chaque fois différentes avec des populations chaque fois différentes.
On en revient finalement à une sorte de dichotomie entre conformer un territoire pour qu’il accueille telle performance ou demander à l’artiste de réinterroger et d’explorer différemment le territoire et donc, en quelques sorte, d’offrir un autre prisme, un autre point de vue.

Cela peut être un révélateur de territoires abandonnés. La véritable adresse est celle à une population plutôt qu’à un public et, du coup, ce public se comporte comme une population, c'est-à-dire qu’il peut venir non seulement pour le lieu, mais aussi avec un état d’esprit. Évidemment, cette question peut être amplifiée s’il y a une véritable appropriation de cet enjeu par les artistes eux-mêmes.

Si cela a existé avec une certaine vitalité, c’est en partie révélateur d’une certaine forme d’échec de la culture administrée.

Synthèse des trois ateliers de l'après-midi
Intervention d’André Curmi

Ces six questions d’atelier - celles du matin et celles de l'après-midi - qui ont été traitées, ont apporté des réponses assez productives même si elles n’ont pas correspondu point par point à la question qui était exactement posée. Toutes tournaient autour d’une préoccupation qui est, finalement : « Existe-t-il véritablement quelque chose de particulier ? Est-ce que ça s’inscrit ou est ce que ça décrit une autre forme d’organisation à la fois économique et sociale ? Enfin, est ce que ça mérite, si ce n’est d’être classifié ou classé, d’être au moins nommé ou un peu précisé dans sa définition ? »


· Atelier a : La relation œuvre – publics – populations – praticiens – usagers – consommateurs... Les Arts du chemin engendrent-ils de nouveaux liens ? Offrent-ils de nouvelles pistes ? Ou proposent-ils d’autres conditions pour que des liens se créent ?
Rapporteur : Isabelle AURICOSTE

Quel est le rôle de l’artiste dans cette histoire là ? Est-ce que l’artiste est là pour réenchanter le monde, l’enchanter, apporter l’étincelle avec son regard extérieur sur le lieu, la situation ? Ou est-ce que l’enchantement naîtrait d’un travail partagé, élaboré entre l’artiste et la population et, éventuellement, les politiques ?

Cette forme artistique arts de la rue/arts du chemin existe malgré tout. Elle est possible, puisqu’elle existe. Ce dont elle a besoin c’est d’être nommée, d’être définie et cernée un peu mieux et, au fond, d’être reconnue pour ce qu’elle est, c'est-à-dire pour sa singularité, pour ce qu’elle apporte d’exceptionnel.

La dimension du projet est essentielle et joue un rôle dans la création du lien. Le processus même de la réalisation, de la mise en œuvre jusqu’au bout du projet, joue son rôle dans la possibilité de lien. Il y a à imaginer ou à se donner du mal pour mettre en œuvre des moyens et pour faire travailler les artistes dans le territoire. Faire travailler les artistes dans le territoire, ça veut dire activer des moyens un peu différents, un peu spécifiques, qui permettent de prendre en compte la spécificité de ce type de travail.

Le lien, c’est aussi celui qu’il faut opérer entre les différents secteurs de l’action publique, parce que ça nécessite de renforcer les invitations du local jusqu’au niveau de l’intercommunalité et de participer, dans le même temps, d’une rénovation créative qui fait que le public auquel on s’adresse est aussi acteur de ce qui se produit. C’est même la condition pour que cette forme d’expression artistique existe. L’idée effectivement, c’est qu’ils soient moins sectoriels.



· Atelier b : Médiation artistique, médiation civique, d’une donne nouvelle et de ses limites. L'art en général et les Arts du chemin en particulier ont-ils un rôle à jouer dans la sensibilisation à l'environnement et au paysage ? Quelles sont les limites de cette approche ?
Rapporteur : Jean-Paul DUMAS

On ne peut pas dire que les chemins se soient beaucoup croisés. Ceci étant, ça a eu le mérite que chacun exprime des désirs de projets ou des projets pratiqués depuis des périodes plus ou moins longues. Nous avons parlé nous aussi militantisme, de façon un peu différente, puisque la question était posée de savoir si les Arts du chemin prendraient une position de fait par rapport à l’environnement.

Nous étions quasiment sur des problèmes lexicaux, c'est-à-dire sur des définitions de termes par rapport au paysage, ce qui n’est pas très étonnant vu qu’il y a effectivement plusieurs écoles d’approche du paysage qui ne sont neutres ni idéologiquement ni philosophiquement. Quand on parle de territoire, quand on parle de nature, il y aurait peut être, pour pouvoir mieux travailler ensemble, une, voire plusieurs définitions à prendre en compte.

C’est la diversité des chemins qui a été pointée là, tant dans les modes d’organisation que dans les interventions directes des artistes.

La question qui tourne autour de la constitution d’un réseau dans ce domaine se heurtera d’emblée à une multitude d’indéfinitions ou d’approximations sur l’ensemble des termes qui auront été utilisés aujourd’hui, mais qui sont tous des termes à l’œuvre, c’est cela qui est intéressant : territoire, population, paysage, jardin, chemin…On passe insensiblement des uns aux autres, parce que c’est une chose qui est sans doute extrêmement vivante, qui, sans être forcément une émergence, en tous les cas est en transformation, parce que s’y impliquent sans doute des composantes et des niveaux d’acteurs plus vastes, plus horizontaux, sur des échelles d’interrogations à la fois solidaires et sociales qui n’existent peut être pas dans d’autres secteurs de l’intervention publique dans le spectacle vivant.

Ce sont les mots qui font les choses, donc si on veut les consolider, ou en tous les cas en tirer le bénéfice commun le plus grand, et bien attachons nous à les construire en commun. »

Il y a plus véritablement qu’une genèse ou qu’une génétique d’un secteur, d’une nouvelle forme d’intervention, un effet qui serait plus générationnel, c'est-à-dire quelque chose qui est de l’ordre d’une transformation due à l’âge ou accompagnée par une génération.



· Atelier c : Economie culturelle Un nouveau « marché » ? Pour quel type d’économie ?
Rapporteur : Jany ROUGER

Il y a, globalement, dans ce secteur là, des contraintes assez fortes qui pèsent, en particulier la crise du système de l’intermittence qui pèse bien sûr aujourd’hui fortement sur l’économie de ce secteur.
Parfois, de l’ensemble de ces contraintes - la crise du système de l’intermittence et peut être aussi la rareté de la ressource financière aujourd’hui - naissent des solutions. Elles sont liées à cette contrainte qui génère parfois un système de débrouille. Ces Arts du chemin peuvent être aussi des arts de la débrouille.

Il apparaît qu’il n’y a pas vraiment de spécificité économique dans ce cadre contraint : on s’inscrit dans un champ plus large qui est celui de l’économie du spectacle vivant. Il n’y a pas de forte spécificité, mais, par contre, on peut se reconnaître dans un système de valeurs et c’est peut être ce qui peut fonder un réseau futur. Ce système de valeur repose fondamentalement sur les valeurs de ce qui fonde le tiers secteur (les mutuelles, les coopératives, les associations), donc un autre système économique, avec les valeurs de ce qu’on appelle aujourd’hui l’économie solidaire. »

Peut être aussi une autre approche du rapport au territoire qui participe d’un système économique qui se fonde sur d’autres ressources que la ressource financière, c'est-à-dire que les gens du territoire apportent autre chose, une autre ressource mais qui est à considérer dans une économie au sens très large du terme.

Un troisième élément serait qu’on a peut être une espèce de volonté militante de construire un réseau qui reposerait justement sur ce système de valeurs et qui induirait une solidarité plus forte, en particulier entre les artistes, les diffuseurs, les programmateurs et qui créerait justement les conditions d’un autre type de fonctionnement à une échelle très large, à un réseau très large.


Synthèse des trois derniers ateliers
Intervention d’André Curmi

Les trois ateliers énoncent, finalement, les mêmes exigences ou les mêmes projections, les mêmes dynamiques sous des aspects évidemment un peu plus affirmés ici ou là. Et la progression en institution, logiquement, part de cette question de l’exigence artistique particulière qui existerait et aboutit peut être à un renversement de la proposition qui était : « Répertorier, faire du lien et connaître », connaître pour mieux faire du lien et aboutir à un répertoire pragmatique.


· Atelier a : Répertorier, faire du lien, faire connaître... La nécessité d'un répertoire des Arts du chemin ?

Dans quel sens entendons-nous cette notion de répertorier ? Est-ce qu’il s’agit de répertorier des lieux, des espaces, des propositions artistiques, des artistes ? Avec tout de suite, bien sûr, la peur qu’il y a derrière cette notion de répertoire, de fichier ou liste et qui peut effrayer dans cette mise en case, mise en boîte, et pourtant la nécessité pragmatique de réunir tout ceux qui ont ce désir commun autour de la notion des Arts du chemin qu’ils soient diffuseurs, artistes, politiques culturelles.

La notion des Arts du chemin se retrouve plus autour de désirs communs, d’un mode d’emploi, d’une façon de travailler ensemble et la nécessité de travailler avec et sur la durée. On pense à des expériences de résidence pour permettre une immersion de propositions culturelles dans un territoire. Ces propositions n’étant pas nécessairement des fusions dans le paysage, mais plutôt une relecture du territoire par la proposition artistique, une relecture autant esthétique que relationnelle, une sorte de révélateur particulier avec sa propre chimie et ses propres filtres de la réalité d’un territoire.

Cette rencontre, cette relecture peut se faire en harmonie, mais aussi en violence, en opposition, en réaction, puisque, naturellement, les Arts du chemin ne peuvent pas avoir simplement la mission de protection d’un patrimoine sur un territoire, même si ils peuvent y participer.

De quelle façon ce répertoire, cet annuaire, cette mise en relation, peut se faire ? Il est ressorti à la fois le danger d’être récupéré comme une appellation de plus dans un système pyramidal et le besoin que ce réseau se forme par la mise en réseau de réseaux déjà existants, ce qui pourrait créer un effet de levier avec toute l’histoire de ces réseaux là. Une toile horizontale qui ressemble plus à la toile Internet et qui s’enrichit des propositions et des expériences de chacun, qu’à un système de développement et de financement culturel hiérarchisé qui dirige le système culturel dans lequel on est aujourd’hui essentiellement.

Finalement c’est peut être une forme de véritable décentralisation qui naît et qui est en train de se faire, non pas parce que le centre se déplace ou se répartit, mais parce qu’il n’existe plus. Cette façon de travailler là, c’est tout à fait la décentralisation dans ce qu’elle avait pu être de rêve et d’utopie et non pas dans ce qu’a pu en être la réalisation.


· Atelier b : Réfléchir, s’interroger, rechercher Comment créer les conditions d’une exigence artistique »
Rapporteur : Caroline MELON

Ce qui émerge c’est une nouvelle forme de méthodologie, voire presque de philosophie de mener l’action culturelle puisque l’idée c’est qu’on est plutôt dans des relations horizontales de travail et d’échanges que ce soit entre le territoire regroupant les acteurs de terrain, associations, etc., les élus et les populations, les opérateurs culturels et les artistes. Plus on avance, et plus on voit des modes de travail ensemble qui sortent des relations hiérarchiques.

L’idée est que ça se passe à l’endroit des compétences de chacun et qu’on n’empiète pas sur le savoir de l’autre, donc, par exemple, dans le cadre de commandes d’opérateurs culturels, c’est bien l’opérateur culturel qui pose un cadre et qui, après, fait confiance à l’artiste sur le côté de la création. Ces compétences là […] étant : de la part de l’élu, de mettre en œuvre une politique culturelle, de l’artiste, le côté créatif, de la part de l’opérateur, la connaissance des artistes et sa capacité à dialoguer avec les différents interlocuteurs. »

Ce qui est intéressant dans cette façon là de travailler ensemble et d’échanger, de ne pas être dans des projets clé en main qu’on va accepter les uns les autres, c’est que ça créé des endroits de résistance au projet de chacun. Cela fait avancer et construit autre chose. On est vraiment dans cette idée de travail, de frottement des projets, de rencontre des différentes compétences et des différents moyens de travailler.

Nous nous sommes dit que c’était peut être ça la spécificité des Arts du chemin, cet endroit où on a cette capacité à inventer et à construire ensemble avec les différents partenaires.

C’est aussi l’économie dans laquelle on est qui nous engage vers ces processus de mutualisation, de travailler ensemble, etc.

Créer un réseau c’est, d’une part, lié aux affinités qui se créent dans des rencontres comme celle-ci ; c’est évidemment lié à un besoin, puisqu’il faut que ce réseau ait quelque chose à faire et qu’il serve à quelque chose ; c’est aussi lié à une notion de travail. Une fois que le réseau est créé, parce qu’il y a du désir et du besoin, il faut le faire travailler et il faut qu’il continue à être animé.

L’exigence artistique se situe dans le fait qu’on n’est pas là pour qu’un projet artistique existe dans la demande de subventions mais dans l’élaboration commune de politiques publiques articulées dans un but particulier, justement décalé, peut être, d’autres habitudes de production artistique, celui de créer de l’exception sur la durée et sur un territoire. »


· Atelier c: Développer, accompagner, coproduire... Quel accompagnement collectif ?
Rapporteur : Anne ROME

Ce n’est pas la même façon de production, les mêmes bases de départ quand on travaille avec les Arts du chemin et il y a cette notion de dépaysement ou de « paysement » qui est différente. Donc on a besoin de partenaires différents et on ne peut pas partir avec les mêmes bases et les mêmes méthodes.
Cela apprend à bricoler de nouvelles méthodes. Ce n’est jamais un modèle acquis et il faut que cela rentre aussi dans les cases du ministère de l’administration qui n’est pas tout à fait adapté à la mise en place de ces actions là.

Comment rendre pérenne ? C’est vraiment ce qui donne du sens à cette action. On n’est plus du tout dans une logique d’opportunité mais dans une logique de pérennité, de quelque chose qui va durer et ça change beaucoup dans la démarche. C’est également un espace de correspondance entre nos désirs à trouver, qui n’est pas établi à l’avance.

Il faut savoir perdre du temps pour en gagner. C'est-à-dire qu’en amont il y a toute cette approche du lieu, des lieux, des gens qui font ce lieu qui est vraiment importante. Il faut savoir que ce temps s’évalue dans le projet de départ.

Il y a aussi tout un travail d’assemblage, qui n’est pas toujours évident à mettre en place. Nous n’avons pas les mêmes partenaires qu’habituellement et la base c’est d’abord le travail avec la population.

[1] André Curmi est responsable de l'Observatoire régional du spectacle vivant en Poitou-Charentes

Bilan 2007 (ben oui y'a un peu de retard, mais bon, hein...)

Remerciements, et bilan général des Rencontres-cénacle-laboratoire des 4 et 5 septembre 2007 au Nombril du monde, à Pougne-Hérisson. Débat introduit et animé par André CURMI. André Curmi est responsable de l'Observatoire régional du spectacle vivant en Poitou-Charentes.

Remerciements de Gabriel Lucas, directeur du Nombril du Monde :
"Je tiens particulièrement à remercier André CURMI qui nous a accompagné dans cette réflexion, qui nous a questionné, titillé et empêché de penser en rond. Je tiens également, avec lui, à remercier l'ensemble de l’Agence Régionale du Spectacle Vivant, d'abord parce que c’est au titre de l’A.R.S.V. qu’André est là, mais aussi parce que l'Agence a été un formidable partenaire d'un point de vue logistique, prêt de materiel, communication, etc. Je remercie bien sûr les différents intervenants : Isabelle Auricoste, Christophe Blandin-Estournet, Philippe Saunier-Borrell et Claude Gudin - certains d’entre eux sont aussi modérateurs sur des ateliers. Et deux modérateurs viennent les rejoindre : Adrien Guillot, chef de projet arts de la rue - transformation de l'espace public à la région Poitou-Charentes et Jany Rouger, directeur de l’A.R.S.V. Je les remercie vivement pour leur collaboration. Je remercie également et sincèrement les artistes qui sont intervenus pendant ces deux jours : Claude Gudin, Enfin, un grand « merci » à toute mon équipe qui a travaillé depuis déjà quelques mois, et de façon spécialement intensive les derniers jours, sur ces deux journées. Merci à tous les participants d'être venus en ces contrées lointaines, et pour certains d'avoir traversé la France pour participer à ces rencontres. Enfin, ces deux jours de réflexion se sont déroulés dans le cadre du Temps des Arts de la Rue en Région Poitou-Charentes. Je remercie donc tout spécialement la région Poitou-Charentes pour son soutien, et tous nos partenaires : la DRAC, le département des Deux-Sèvres et la communauté de communes Espace Gâtine."


La première constatation c’est que s’opère là véritablement une décentralisation à partir même du territoire et dans son horizontalité, dans l’ensemble de ces deux vecteurs. Cela ne se limite évidemment pas aux professionnels de la profession et aux artistes, ni à tous ceux qui ont toute légitimité et nécessité d’exister pour que les choses apparaissent et se concrétisent.

Quand tous ces niveaux d’acteurs, de décideurs, de metteurs en œuvre et de metteurs en ouvrage sont effectivement rassemblés, on s’aperçoit que les choses sont tout à fait possibles et à des endroits où ni l’accessibilité, ni l’histoire antérieure, ni des habitudes séculaires ne permettaient de penser qu’elles le seraient.
C’est une espèce d’invention de la décentralisation par le bas. Ces ateliers ont permis de révéler, d’avoir immédiatement de l’appropriation très pratique. Cette appropriation peut tout à fait consister à se donner des rendez-vous et à proposer d’approfondir tel ou tel sujet. […] Nous sommes dans l’esquisse de la pénétration d’autres réseaux et de mise en vibration.

Il y a peut être des réseaux souterrains dont certaines formes aujourd’hui affirmées comme s’inscrivant dans ce projet vivant des Arts du chemin représentent quelques rhizomes. Il faut multiplier les réseaux.

Toutes sortes de choses introduisent, sans qu’on l’ait désiré ou imaginé, du changement dans la méthode, ou posent comme préalable de s’interroger méthodologiquement différemment parce qu’on poursuit un projet de nature effectivement différente.


Puisque vous avez, et à raison, écarté un répertoire d’œuvres, on pense véritablement à un répertoire opératoire. De quoi pourrait-il se composer pour devenir justement opérationnel ? »

De façon très basique, des artistes peuvent avoir envie de s’inscrire avec des coordonnées et dire : « moi aussi je m’intéresse à ce sujet là », des diffuseurs peuvent avoir envie de faire la même chose. Il peut aussi y avoir de courts récits d’expériences, voire des désirs d’expériences et, aussi, ce travail mis en avant d’autres réseaux avec lesquels on pourrait avoir des choses à faire, choses qui pourraient rendre service aussi aux acteurs de ce réseau.

Une liste avec des adresses, des contacts et les lieux qui ont envie de programmer des spectacles, les lieux qui ont envie de savoir où il se passe des choses spécifiques aux Arts du chemin. Un outil de travail.

Il faut quand même tenter cette plus-value de connaissances entre nous, trouver la forme, c’est faire la proposition d’une grille de renseignements, qu’elle ne soit pas purement identitaire, qu’elle donne accès à la sensibilité, au sens et au désir.


- Une méthode peut être alternative et innovante

Mais la difficulté c’est de passer de cet ordre vertical, c'est-à-dire de cette transmission verticale des financements, des commandes, à l’ordre horizontal. Et là, on n’a pas de mode d’emploi pour l’instant. Chacun l’expérimente, pour sa part, sur le terrain.
« C’est un nouveau mode opératoire réellement en phase, avec ce qu’on est en train de vivre actuellement, avec les mutations d’époque. Il est urgent de trouver des solutions à ça. On peut trouver des exemples qui marchent, pour voir comment s’y prendre, analyser des cas…

S’il y a des choses qui marchent, on n’est pas obligé d’y coller, mais si une idée est bonne, pourquoi ne pas en tirer quelque chose de cette idée là : un système de fonctionnement. On n’est pas obligé non plus de devoir créer pour créer. Il y a des choses qui existent, on peut s’en inspirer. On peut essayer de les articuler, de les adapter à ce qu'on voudrait faire.

Comment s’y prendre pour mobiliser des gens, qui pourraient fonctionner ensemble, en réseau, en dehors du champ strictement limité du cloisonnement professionnel ou thématique ? C’est là qu’il peut y avoir des récits d’expériences. C’est intéressant pour construire, l’expérience collective.

Ce qui ressort des échanges c’est quand même qu'il y a nécessité à s’améliorer sur les méthodes. Il y a une demande assez forte.

Comment peut-on faire avec les spécificités des Arts des chemins pour travailler avec des acteurs que nous n'avons pas l’habitude de côtoyer, ou élargir le réseau ?
Commençons avec de petits moyens. Avec très peu d’argent, il y a moyen de faire des choses. Ces deux jours que vous avez organisés sont une étape importante. Et avec des ateliers d’échanges d’expériences, des gens pourraient venir en ayant monté un spectacle, s’étant plus ou moins planté ou étant déçu par rapport à ce qu’ils s’étaient fixés comme objectifs, pour présenter ça, soit de manière orale soit sous forme de spectacle, en disant : « qu’est-ce que vous proposeriez pour qu’on essaye de faire mieux ? »

« Du coup, est-ce que ce ne serait pas le moment qu’il y ait un instant de rencontre, mais pas seulement avec votre réseau, qui soit l’occasion de rencontrer d’autres réseaux et de contribuer à faire mieux connaître ce genre d’expérience ? C’est éventuellement avoir le regard d’autres réseaux, et, peut être, une co-organisation, justement, avec ces autres réseaux. »


- Conserver un certain nombre de valeurs : échange, solidarité, ouverture, rencontre, approche de la différence

« C’est plus peut être par des rencontres comme celle là, une fois ou deux fois par an, que les valeurs vont être un peu plus affirmées, et il va y avoir plus de nuances, plus d’enrichissements sur les points de vue, etc. Et, à partir de ça, ça pourra peut être se construire.

L’histoire des arts du chemin, d’une certaine façon, peut être revendiqué par des valeurs communes à plusieurs autres ensembles. Ce qui en fait la particularité c’est que ça se singularise à un moment donné dans un rapport concret entre des œuvres, des processus artistiques partagés avec des populations et qui associent le plus souvent d’autres jeux d’acteurs que les jeux d’acteurs traditionnels. »


- croiser notre approche avec d’autres regards pour aller plus loin dans cette transversalité sur le territoire

« J’aurais aimé qu’ils soient plus nombreux ic à avoir d’autres regards parce qu’on est souvent entre « cultureux » et c’est là les limites de ce genre d'échanges. Je trouve que ce qui serait vraiment intéressant dans l’avenir, c’est d’arriver à développer ce genre de rencontres en croisant un peu plus les regards. On irait vraiment plus loin dans cette nouvelle approche de la décentralisation, dans cette transversalité et dans cette horizontalité. Si on a un rôle à jouer, c’est celui là. Ce sont d’autres acteurs du territoire qui ont un autre regard et c’est intéressant d’aller plus loin dans ces croisements de regards.

Il me semble vraiment temps d'ouvrir ces échanges à des gens qui bossent sur l’environnement, sur l’aménagement du territoire, sur le paysagisme, à des profs de lycée agricole socioculturels, etc.

Il est intéressant que ces réseau professionnels soient confronté à l’artiste, et que l'artiste soit confronté à eux. Dans la mise en place d'un projet artistique et/ou culturel sur un territoire, ces partenariats avec les différents professionnels du territoire sont à mettre en place dès le départ et dès la conception du projet. »


- Une place dans la vie politique à revendiquer

« Vous avez une spécificité qui n’est pas suffisamment revendiquée. Vous êtes dans une situation particulière, vis-à-vis d’un certain nombre de commanditaire, de financeurs, qui sont les élus des collectivités. Ce qui semble caractériser les arts de la rue ou du chemin, c’est le fait qu’on réadapte à chaque fois. Ceci peut changer le regard des élus sur leur ville, sur le quartier, et toucher du doigt, ce que peut apporter le regard d’un artiste dans la vie, dans la gestion des affaires de la commune.

Mais ce regard que vous pouvez apporter, ce décalage, ce droit que vous vous donnez de tout remettre en cause, de poser des questions que les professionnels ne vont pas oser poser parce qu’on aura peur de se déconsidérer, ça vous pouvez le faire. Et il me semble que c’est vraiment une spécificité de ce milieu là, c’est peut être aussi un moyen de faire sauter quelques œillères ou de sortir de son cadre habituel et j’ai vraiment le sentiment que ça, ça n’est pas suffisamment revendiqué. Alors, ça ne sert peut être pas à construire un réseau mais ça sert à le brancher effectivement sur quelque chose.

Vous avez une place dans la vie politique sans doute plus importante que celle que vous pensez. Tout particulièrement effectivement en milieu rural où les choses se traitent à échelle plus humaine que dans des grandes villes où sauf des cas très exceptionnels, rares vont être les élus que vous pourrez rencontrer directement et qui vont comprendre l’intérêt qu’ils ont à vous associer à la gestion de leurs affaires.

Je crois que la plus-value qu’il faut absolument viser c’est de prendre en compte qu’il y a un véritable changement dans la façon dont s’assume la décision publique à un certain niveau, aujourd’hui, de territoire. »


- Un travail partagé dans la durée

« Le fait qu’il y ait tant de personnes venant de tant d’endroits différents est riche, mais le lien entre nous doit être pérenne sur l’année et ne doit pas simplement arriver ponctuellement.

Le prochain rendez-vous un peu numériquement important, peut être plus encore que celui-ci, doit marquer une étape de progression et, pour passer effectivement à une plus-value du travail et une plus-value de l’échange, ça nécessite qu’il y ait du travail partagé.

Il faut qu’on assume notre rôle de réceptionner les choses, de les digérer à partir de la connaissance qu’on a de l’histoire du réseau et de son évolution, et de renvoyer les choses et les propositions après les avoir modérées, organisées, formulées, affinées aussi en terme d’organisation concrète.

Dans les ateliers qu’on a eu, ce qui m’a intéressée c’était de se dire : « comment on travaille ensemble ? Quels sont les acteurs culturels sur lesquels on peut s’appuyer pour développer nos histoires dans la durée ? » Comment peut-on faire en sorte que ce message là passe de manière plus large, parce que quand on regarde le paysage culturel à l’échelle nationale, et des scènes nationales, ça ne l’intéresse pas du tout ou très peu. »


- Un rapport différent au territoire... dans le sillon d'une nouvelle vague de décentralisation ?...

« Ce qui ressort des différents ateliers, c’est qu’il y a ce sentiment qu’on participe ou qu’on va participer à une nouvelle étape d’une décentralisation, enfin d’un autre rapport au territoire. C’est bien ce qui nous stimule et, en même temps, il serait très ambitieux ou prétentieux de dire que ce réseau va couvrir ou recouvrir cette nouvelle pulsion ou impulsion. Je pense que demain les politiques publiques seront des politiques croisées entre ce qui reste aujourd’hui d’une politique d’état contractualisée avec les politiques territoriales, avec les politiques des départements, des régions. C’est dans une contractualisation entre les politiques publiques, dans ce croisement de politiques publiques, que se définiront les chemins qu’on essaie de tracer. Cette nouvelle vague de l’action culturelle se fera avec les départements et les régions. Il y a cette envie non dite que ce réseau couvre de fait cette nouvelle vague nécessaire, ce nouveau rapport au territoire, ce nouveau rapport à la population, donc ce travail à l’horizontal. L’aménagement du territoire est largement fait. Il manque ce rapport là qui n’a pas besoin de béton. Il manque la dimension du rapport au politique, parce que c’est avec eux (les élus à la culture) que ça se fera. On appartient à un mouvement beaucoup plus large et si c’est celui, dit autrement, de la nouvelle vague de décentralisation, alors il manque beaucoup de partenaires.

Les Arts du chemin c’est une façon de raisonner autrement, de penser à d’autres choses, d’aborder d’autres thèmes, de mieux partager en transversalité avec des artistes, avec des spécialistes du paysage et avec d’autres personnes qui interviennent sur le territoire. »


- Connotation des Arts de la rue et des Arts du chemin

« Qu’on le veuille ou non, les arts de la rue sont connotés. Quand on parle d’art de la rue, il y a toujours une connotation, et ce serait naïf de penser qu’il n’y aurait pas une connotation réductrice quand on emploie les mots « arts du chemin ».

Effectivement, la connotation est peut être dans les termes. C’est à nous de montrer qu’on ne la réduit pas dans les faits et dans les réflexions.

J’ai cru entendre qu’on disait : « on ne fait pas de label » et en même temps, ce label il est là, il émerge. On le sent devenir Arts du chemin. »

« Mais ce n’est pas un label, c’est un terme, c’est un concept qui, peut être, est creux mais qui a le mérite de questionner.

On a besoin d’outils, on a besoin de communiquer. Nous on l’a fait. On a mis le mot « Arts du chemin » dessus. Il est suffisamment large pour englober tout un tas de définitions et rassembler beaucoup de gens et on n’a pas envie de le préciser plus parce que l’idée ce n’est pas d’exclure.

C’est vrai que, en parlant de choses comme ça, je sens très vite poindre l’institutionnalisation des choses qui se referment en fait. Ça c’est effectivement à bannir si ça doit devenir un annuaire de plus et un annuaire formaté parce qu’on lira qu’un certain nombre de choses très apparentes et qui fixeront une identité très largement encrée dans un certain nombre de règles et de canons qui ne nous concernent plus ici. Non ce n’est surtout pas ça. »

« Je me rends compte que le terme chemin connote quelque chose qui est lié à l’espace, avant de passer sur la métaphore qui peut être le chemin vertical, spirituel, vers les autres, etc.

On parle toujours du paysage en milieu rural mais on peut dire la même chose en milieu urbain où ce côté horizontal, ce rapport au territoire existe aussi. En milieu urbain, la pauvreté de l’action culturelle est équivalente à celle en milieu rural et cette nouvelle vague ne touchera pas, j’espère, que le milieu rural et que ce n’est pas simplement un rapport à la nature, au paysage. Je trouve qu’on a un côté un peu bucolique et l’art du chemin nous renferme, comme les arts de la rue nous ont renfermés sur une image très simpliste ou très réductrice sur ce que sont les arts de la rue véritablement. J’ai toujours eu peur des appellations et l’appellation arts du chemin a ce côté bucolique qui ne va pas recouvrir la totalité de ce que ça peut être. »

« Un seul élément d’une topographie beaucoup plus générale est forcément réducteur. En même temps, si on l’avait appelé art du territoire, ça englobait le tout. L’idée de schématiser un peu ce qui peut éventuellement faire le parcours, le lien, et traverser l’ensemble du territoire en utilisant le terme chemin, c’est peut être là la vertu agissante de ce qui n’est pas un label mais une proposition de travail. »


- En pratique…

« Il faut peut être essayer de structurer au moins trois groupes de travail sur une période déterminée, peut être à échéance de deux ou trois mois pour que les choses aient eu le temps de décanter de façon à proposer une nouvelle rencontre qui serait peut être une confirmation d’un réseau, ou peut être avec le soutien d’un autre réseau ou en s’appuyant sur plusieurs autres réseaux et avec une visée de plus-value, de diversité des acteurs et des participants. Parce que de la même façon que nous n’avons pas ici rassemblé la totalité de ceux qui contribuent à rendre vivants et actifs les quelques concepts que nous avons approchés, qui esquissent une définition des Arts du chemin, les Arts du chemin ne seraient pas à eux seuls l’acteur ou les acteurs de la rénovation ou de la décentralisation culturelle. C’est sans doute, par contre, un assez bon paradigme. Alors, essayons de le définir un peu mieux, et faisons le vivre un peu plus. »

Intervention de Jean-Paul Dumas

Voici le texte de l'intervention de Jean-Paul Dumas, lors des Rencontres-cénacle-laboratoire des 4 et 5 septembre 2007 au Nombril du monde, à Pougne-Hérisson. Jean-Paul Dumas est directeur du centre culturel de Terrasson, scène conventionnée « Scènes du paysage » (Dordogne).

Je démarrerai une brève intervention en reprenant une phrase d’un conte : « c’est en marchant qu’on fait le chemin ». Ce qui me plaît bien dans l’idée du chemin c’est qu’un chemin existe quand on est plusieurs à avoir passé ou à passer par le même endroit : animaux, hommes, accidents de la nature… Ce que je sais au jour d’aujourd’hui c’est que nous sommes trois à avoir envie de se revoir, de bosser ensemble et de partager un certain nombre de valeurs et de convictions. J’espère que demain nous serons encore plus, mais que je ne suis pas dans le prosélytisme de toute façon. « L’homme est un animal solitaire qui vit en troupeau, mais il n’en demeure pas moins solitaire ». Ce qui m’intéresse particulièrement dans les Arts du chemin c’est que c’est, pour le directeur de scène conventionnée que je suis, un outil de plus pour mettre du lien avec du territoire, avec ce qui constitue le territoire et avec ceux qui veulent bien vivre le territoire, non pas sur des notions d’exclusion mais sur des notions de territoire partagé. Pourquoi on se priverait de ça ? La présence des arts de la rue sur le territoire sur lequel je vis et je travaille m’y parait tout à fait logique de par la réalité rurbaine et prolonger par les Arts du chemin, compléter, trouver d’autres pistes c’est très bien, et ça ne fait pas non plus « cracher » sur l’idée d’avoir un minimum d’installation pour pouvoir travailler.
C’est vrai qu’il y a des gens qui peuvent fonctionner en harmonie avec le pouvoir qu’incarnent les élus. Moi, j’ai plutôt tendance, compte tenu des caractéristiques locales, à fonctionner clairement en opposition. Je n’ai pas fait vœu de le faire. Au début, avec les spectacles de théâtre de rue, comme tout le monde riait, qu’il y avait beaucoup de monde, mes élus étaient ravis ; le jour où Générique Vapeur a mis un âne avec une ceinture tricolore au perron de la mairie, ils ont commencé à trouver ça un peu moins rigolo. Nous avons mis en place des tables d’hôtes du territoire, c'est-à-dire le lieu de la République - la salle des fêtes, où on vote, où il y a les mariages, où il y a les gueuletons - la population du village, un ou deux intervenants extérieurs et on discute de débats de société. Alors, ça ne fait peut être pas partie des Arts du chemin, mais ça fait en tout cas partie d’une façon collective et citoyenne d’interroger le territoire. Je constate qu’au bout de trois ans, vus les thèmes abordés par les gens et les réponses données, la plupart des élus commencent à trouver ça beaucoup moins opportun, que, peut être, ce serait mieux de parler des choses un peu plus consensuelles. Donc, moi je suis rentré là-dedans et pour continuer dans ce désir de n’être pas consensuel, dans ce refus du formatage systématique des spectacles, qui correspond, dans une société, au formatage délibéré des goûts des gens. Je ne crois pas qu’on naisse en aimant spontanément les Mc Do, je crois qu’il y a un formatage voulu. Au niveau des spectacles, c’est un peu pareil. Il y a des moments où, quand je prends les plaquettes, je ne me sens absolument pas meilleur que les autres, je me dis qu’on changerait juste la première page, ça pourrait convenir dans beaucoup de cas. […] Il me semble que les arts du chemin, donc ce rapport au territoire, peuvent justement permettre d’explorer d’autres façons de vivre le territoire, et de le vivre ensemble.
Il m’a semblé que nous avions tous à réfléchir et à travailler ensemble sur les jardins, sur le paysage, sur ce que ça peut vouloir dire, sur des définitions et peut être à nous écarter un peu d’une vision qui m’est apparue quelque peu « rousseauiste » sur la nature, le monde rural est forcément bucolique… […]
Le monde du spectacle est aussi une forme de biodiversité qu’il nous faut absolument préserver si on veut pouvoir vivre ce territoire et faire entrer le territoire dans le patrimoine. Ce qui m’intéresse dans le terme de patrimoine c’est l’idée de transmission. Et en ce sens là, tout ce que nous faisons c’est du patrimoine et en même temps parce que c’est à transmettre.
C’est pour ça que j’aime bien les chemins, c’est qu’il n’y a pas de péages, ce ne sont pas des autoroutes, il n’y a pas d’enjeux. Un chemin apparaît généralement comme dérisoire et j’ai le sentiment et la conviction d’exercer un métier dérisoire et de dérision.

Intervention de Gabriel Lucas

Voici le texte de l'intervention de Gabriel Lucas, lors des Rencontres-cénacle-laboratoire des 4 et 5 septembre 2007 au Nombril du monde, à Pougne-Hérisson. Gabriel Lucas est directeur du Nombril du Monde, à Pougne-Hérisson (Deux-Sèvres).

Les Arts du chemin, effectivement, hier, ont été largement interrogés. On a commencé d’entrée à nous mettre en garde contre les dangers d’une classification, et ils ont été, je pense, largement questionnés. En tout cas, je crois que ce qui émerge, c’est la diversité, et cela rend visible des expériences très éparses. Nous avons mis en exergue plein de paradoxes, mais aussi fait émerger plein de choses très diverses. […]
Qu’est-ce qui nous rassemble nous trois, et vous et nous ? Qu’est-ce qui fait sens ? Qu’est-ce qui fait que tous les trois nous avons eu envie de cheminer un peu ensemble et qu’est-ce qui nous intéresse, à priori, de poursuivre et d’interroger ? »
Ce qui ressort d’hier c’est cette notion de relation au territoire, à l’environnement : le territoire physique, l’espace, la nature ; le territoire paysager ; le territoire biologique, scientifique ; le territoire sublimé et imaginaire ; le territoire humain. On a entendu et vu apparaître hier cette notion d’écosystème. Dans les expériences rassemblées ici et dans les échanges, on voit apparaître ces notions de pratiques culturelles, de création artistique sur un territoire, rassemblant différents acteurs, les populations, des élus locaux, en lien direct et en rapport avec ce territoire. Et cette notion d’écosystème, où tout prend un sens, va spécialement bien aux Arts du chemin. En fait j’ai l’impression que les Arts du chemin s’intéressent à un écosystème, à une expérience de territoire, mais qui va finalement sublimer ce territoire. Nos expériences à tous trois, sur nos différents territoires sont très différentes, mais il y a à chaque fois, une volonté d’écrire, de décrire et de sublimer le territoire. […]
Ce qui me paraît intéressant, c’est qu’on puisse poursuivre avec ceux qui en ont envie, qu’on puisse créer des agrégations, qu’on puisse continuer à échanger et à avancer sur ces sujets et à créer du « faire ensemble ». Par la suite, des choses interindividuelles naîtront, ne naîtront pas, naîtront entre certains…

L'art en général et les Arts du chemin en particulier ont-ils un rôle à jouer dans la sensibilisation à l'environnement et au paysage ?

Voici le texte de l'intervention de Claude Gudin, lors des Rencontres-cénacle-laboratoire des 4 et 5 septembre 2007 au Nombril du monde, à Pougne-Hérisson. Claude Gudin est ancien jardinier diplômé de la ville de Paris, ingénieur-docteur en physiologie végétale, poète et pataphysicien à ses heures.

L'art en général et les Arts du chemin en particulier ont-ils un rôle à jouer dans la sensibilisation à l'environnement et au paysage ? Quelles sont les limites de cette approche ?

J’ai eu quelques expériences personnelles sur ce qu’on peut appeler les Arts du chemin. Je ne sais pas trop quelles leçons en tirer, mais ce qui m’intéresse dans les arts du chemin en général et le paysage, c’est, en quelque sorte, de se « payser » là-dedans et je dis bien se « payser » à l’inverse de se dépayser. Parce que se dépayser c’est souvent s’échapper, aller ailleurs alors que se « payser » c’est, au contraire, essayer de pénétrer le paysage dans lequel on est, et d’essayer, en quelque sorte, de lui trouver un sens, de lui donner un sens et de voir quelle relation on va établir avec cet environnement dit naturel, qui n’est pas du tout naturel, puisqu’il a été planté, complètement pensé. Une forêt sent autant la sueur qu’une cathédrale. Ce qui m’intéresse c’est d’essayer de voir, en quelque sorte, quelles vont être nos racines à l’intérieur de ce paysage. Alors, il y a plusieurs façons de prendre le problème : il y a la façon artistique, c'est-à-dire par la sensibilité, par l’émotion, mais cette émotion, il faut qu’elle porte sur quelque chose, sur un lien entre ce qui est sous nos yeux et nous, ce qu’on ressent. Et ce lien c’est bien sûr, en général, la végétation, le monde minéral, enfin tout ce qui structure cet environnement. Alors là, intervient un élément qui est complètement absent de tous les textes. On parle d’art partout, on parle de végétaux, on parle de paysage partout, mais on ne parle pas de la dimension scientifique. Et la dimension scientifique, dans un paysage, elle existe. C’est précisément la dimension qui va donner un sens à tout ça. Alors qu’est-ce que j’entends par dimension scientifique dans un paysage ? C’est précisément tout cet ensemble de sons, de couleurs, de parfums qui nous environnent et qui nous arrivent par l’intermédiaire de nos sens. Et, en particulier, tout ce qu’on a sous les yeux. Et qu’est-ce qu’on a sous les yeux ? On a finalement un ensemble assez impressionnant de ce qu’on apprend à l’école sous les vocables des mathématiques et de la physique. Quand on se promène dans un paysage, on se promène dans la théorie du chaos. […] On a fait allusion à Mandelbrot, qui en est l’un des éléments puisque c’est le père des fractals. On aurait pu évoquer aussi la théorie de la catastrophe. Quand on se promène dans la nature, on se promène dans le chaos, dans les fractals, dans la catastrophe ; on se promène dans la dynamique des fluides avec la turbulence, les flux laminaires …tous ces noms scientifiques qui ne veulent peut-être pas dire grand chose et qui prennent justement un sens quand on est dans le paysage. […]

Quand on se promène dans la nature, on le voit parce que la nature prend son temps. Ce n’est pas de l’eau qui n’a pas de viscosité, c’est un fluide biologique, un fluide visqueux, qui a une grosse viscosité et qui va s’écouler beaucoup plus lentement. Et si vous regardez un fruit, si vous regardez une gourde par exemple – vous en avez là dans le jardin des contes où j’avais d’ailleurs recommandé qu’on plante beaucoup de plantes volubiles parce qu’un jour, il y aurait tellement de conteurs, ça coûterait tellement cher, qu’il faudrait arriver à s’en débarrasser et les plantes volubiles coûtent beaucoup moins cher. C’était la raison de la plantation. Si vous regardez ces plantes volubiles, qui font justement des fruits particuliers - ce sont les cucurbitacées qui font ça. Là, moi, quand la cucurbite m’habite, il faut me retenir ! Donc, du haut des ces cucurbitacées s’écoulent ces gouttes de matière qui deviennent les gourdes qui servent ensuite – j’ai entendu parler tout à l’heure d’un pèlerinage, de Saint Jacques de Compostelle, bah voilà ce qu’il faut emporter, c’est la gourde. Et on a aussi des formes plus allongées : le tube. C’est ce qu’on retrouve dans la courgette en quelque sorte. Et puis on a ces sphères. Quand on se promène dans la nature, on a tout ça sous les yeux. C’est vraiment ce qu’on appelait avant une leçon de choses. Mais, en plus, ces objets sont colorés, parce que depuis la nuit des temps, les êtres vivants, les premières cellules on fabriqué du pigment pour ce protéger d’ailleurs de l’excès du soleil. Et on retrouve dans la nature cette immense gamme de couleurs liées à des odeurs qui sont en général les mêmes molécules, mais beaucoup plus petites et qu’on perçoit par l’odeur. On a tout ça. Et tout ça c’est une véritable histoire naturelle. Se rajoute à cette dimension - qu’on peut bien sûr mettre en valeur en choisissant les différentes espèces et en les organisant dans un art du paysage - et c’est à mon avis le plus important, la dimension mythique et mythologique du végétal. J’ai glané comme ça en partant juste quelques petits trucs : vous avez cette petite fleur rouge là, qui s’appelle en latin, l’Adonis goutte de sang. Toutes les plantes en botanique sont classées par l’INNEE selon une terminologie gréco-latine, ce qui fait que tous ces noms latins véhiculent toute une mythologie héritée des Grecs et des Latins. Se balader dans la nature, c’est se balader dans la mythologie grecque. […] Toutes les plantes, tout ce qui nous entoure, nous renvoie sans arrêt à cette mythologie gréco-latine, plus toutes ces histoires de science. Donc la nature ne manque pas d’humour. […]

L’art du chemin peut devenir un moyen de donner un sens au paysage et aux gens qui l’habitent, d’étudier en profondeur et de s’amuser en profondeur des relations qui se tissent entre celui qui regarde et l’objet regardé, qui n’est jamais qu’un de nos cousins biologiques, puisque plantes ou animaux, on dérive tous de la même cellule. La grosse différence c’est que nous on a perdu nos chloroplastes, on n’est plus capable de faire la photosynthèse, et qu’il faut retourner auprès du végétal pour pouvoir respirer l’oxygène qu’il nous fabrique grâce au gaz carbonique qu'il fixe et à l’énergie solaire qu'il fixe.
Le dernier message c’est ça : je crois que dans l’art du chemin, l’élément dominant, et il n’y en n’a pas d’autre, c’est la photosynthèse, c'est-à-dire ce mécanisme par lequel l’air est purifié constamment par les plantes. Je sais, vous riez. C’est plutôt rigolo d’avoir perdu ses chloroplastes, mais on est vraiment des pauvres bêtes sans les plantes. On a besoin d’elles pour nous nourrir. On a aussi besoin d’elles pour nous cultiver. C’est l’environnement qui nous cultive et nous on peut le cultiver aussi.

Intervention d'Isabelle Auricoste

Voici le texte de l'intervention d'Isabelle Auricoste, lors des Rencontres-cénacle-laboratoire des 4 et 5 septembre 2007 au Nombril du monde, à Pougne-Hérisson. Isabelle Auricoste est architecte-paysagiste, écrivain, enseignante. Elle a reçu le Grand Prix du paysage 2000.


CHEMIN ET NATURE
J’aimerais partir de l’idée du chemin qui me paraît offrir une éclairante métaphore pour introduire les réflexions de ces deux journées, ancrage dans l’épaisseur du terrain et vecteur de traversées, de croisements, d’idées neuves :
« Le chemin en appelle à une certaine manière d’user de la terre et de notre existence. » Pierre Sansot » colloque Patrimoine et paysages culturels Juin 2001
Le chemin n’est pas seulement un fil tendu d’un point à un autre, il est gravé dans les accidents d’un sol par les itinéraires qui l’on tracé, il franchit montagnes, rivières et déserts, il croise des villes, il rencontre des embranchements, il rassemble des voyageurs venus de directions opposées , il résume et exprime à lui seul tout ce que peut renfermer un paysage c’est à dire la diversité mais aussi l’universalité des formes que les hommes ont données à leur installation sur la terre, formes toujours négociée avec les puissants éléments naturels.
On peut survoler tout cela sans le voir, aveuglé par le désir d’atteindre vite quelque destination lointaine ou bien profiter des aspérités sous les pieds qui vous retiennent en chemin pour ressentir le monde autour de soi; le regarder, imaginer ses multiples et merveilleuses facettes, y trouver sa place.
J’aimerai suivre lentement les détours de ce chemin-la pour explorer le rôle du paysage dans notre imaginaire contemporain.
La façon dont nous regardons et construisons les paysages dans lesquels nous vivons traduit exactement l’idée que nous nous faisons, à un moment donné, de nos relations avec la nature. La nature c’est cette dimension fondamentalement étrange de l’univers qui peut se révéler simultanément source de malheurs et de fécondité. Aimable et redoutable, échappant à toute mesure, elle est l’inspiratrice de tous les mythes par lesquels l’humanité a cherché à composer son destin avec elle.
Et chaque fois dans l’histoire que de fortes mutations sont à l’œuvre, ébranlant un ordre affaibli, la question des relations de l’homme avec la nature s’est reposée et a dû être repensée entièrement. Les formes matérielles et sociales qui ont incarné ces conceptions ont suivi le même chemin, Le paysage qui représente l’idée d’une relation harmonieuse entre les hommes et la nature, dans notre société contemporaine a pris la dimension d’un récit mythique fondateur, c’est à dire d’une création imaginaire collective capable de mobiliser et de ré-orienter les actions humaines vers une civilisation différente, plus attentive que celle que nous quittons aux exigences de la planète et de la communauté des hommes. Moins consommatrice et plus créatrice.

PAYSAGE NOUVEL ESPACE POUR L’ACTION PUBLIQUE
Le paysage matériel a toujours existé, le paysage comme agent de médiation entre les éléments naturels et les civilisations est une constante anthropologique dont le jardin sous toutes ses formes nous montre les multiples déclinaisons. La participation de l’art à cette entreprise, ancienne et éprouvée actualise cette dimension symbolique la fait entrer dans l’imaginaire collectif ; que ce soit par le jeu des proportions et de la géométrie (tracés, composition), dans des programmes iconographiques (décors de sculptures, palette végétales) ou dans la sollicitation immédiate des sens,.
Au fond, chaque époque, à sa façon, à voulu dans le jardin comme le disait le roi de Pologne Stanislas Leckzinski « rendre la vérité fabuleuse comme on se sert de la fable pour exprimer la vérité » cette formule exprimant assez bien la tension entre la nécessité de la vérité et la nécessité de la fable qui sous tend toute entreprise de culture. Mais à chacun sa vérité
Fêtes et spectacles, musique, sculpture, architecture, c’est lorsqu’il s’exprime dans l’espace public que les pouvoirs d’enchantement de l’art rendent visible compréhensible la vérité momentanée d’une société. Simultanément et dans un mouvement complémentaire, spectacles médiévaux sur le parvis des églises, splendides fêtes royales dans les parcs des châteaux, fêtes révolutionnaires au Champ de Mars au delà de leur influence didactique contribuent fortement à la création de nouveaux lieux (re)visités par l’imaginaire collectif, donne une valeur et une existence concrète à de nouveaux espaces devenus publics.
Si depuis le jardin d’Eden en passant par Socrate enseignant sous les platanes d’Athènes et J.-J.Rousseau immergé dans la contemplation de la nature, les jardins sont par leur statut même des lieux de passage et d’échange entre nature et culture, des espaces privilégiés, emblématiques qui ont pu accéder au statut d’espaces publics dans les villes (et plus tard à la campagne aussi avec le statut récemment créée de jardin historique ou jardin remarquable), jamais encore on n’avait vu des pans entiers de territoire et même le territoire tout entier, le territoire banal de la vie ordinaire, devenir, par le truchement d’un intérêt général pour le paysage, un espace symboliquement public. Il s’agit d’une extension qui se déploie dans le registre de l’imaginaire car pour l’essentiel, le paysage est constitué de propriétés privées que l’on ne peut s’approprier que par le regard (loi sur le paysage 1993, « le paysage appartient à celui qui le regarde ») mais dont la collectivité peut prendre soin à partir d’une conception d’ensemble qui les intègre dans la solidarité d’un système, un tout lié, une nouvelle représentation des relations de la nature et de la société. Cette nature qui perçue maintenant comme une dimension fragile et menacée du monde dont participent tous les lieux et tous les gestes de la vie. Fragilité que les évolutions fréquentes et souvent rapides des paysages autour de nous rend spectaculairement visible.

UNE NOUVELLE UTOPIE
En ce sens, le paysage est porteur d’une capacité d’utopie, d’une mise en perspective cosmique, d’une appropriation sociale. Il offre une nouvelle scène publique, hors la ville épuisée par son stade avancé de désorganisation, pour imaginer les couleurs d’un monde différent. Il récupère un autre héritage un peu oublié.
Les artistes qui s’emparent de cette scène, sont confrontés à une situation paradoxale. Le paysage se confond souvent dans l’imaginaire collectif avec des images archaïques et des souvenirs idéalisées ; on les voit loin des mouvements du monde, comme figés dans une éternité séduisante bien loin de la modernité. Et simultanément, le souci du paysage devient un enjeu citoyen, la société s’en empare par le regard et la pratique, cherchant confusément de nouveaux modèles pour le futur dans l’épaisseur des lieux, dans une relation à inventer au temps, à l’espace, au non quantifiable. Les deux faces de ce même objet, il ne faut pas les jouer à pile ou face, les tensions, les contradictions qui se tissent entre elles sont nécessaires et fécondes. Le paysage apporte à ces nouveaux lieux de l’art les ressources infinies d’expression qu’offre une langue aux poètes; pour composer avec elle, il faut en maîtriser la grammaire, la travailler de l’intérieur. De même, le paysage n’est pas un décor, ni même un lieu ; on est dedans et on agit avec lui, on change de registre.

Texte pour chemin à débroussailler (à moins que ce ne soit l’inverse)

Voici le texte de l'intervention de Christophe Blandin-Estournet, lors des Rencontres-cénacle-laboratoire des 4 et 5 septembre 2007 au Nombril du monde, à Pougne-Hérisson. Christophe Blandin-Estournet est directeur du festival Excentrique (région Centre), ancien responsable de la programmation Arts du Cirque, Rue et Marionnette au Parc de la Villette.

Lorsque l’équipe du Nombril du Monde m’a demandé de réfléchir à une intervention sur l’objet artistique des « arts du chemin », il m’a semblé nécessaire d’étudier divers pistes (une autre forme de chemin !), quitte à les abandonner en route :

La légitimité territoriale homonymique (politiquement correcte) avec les jardins de souche
En ces temps d’identité nationale et de références ADN, quelle ne fut pas ma surprise de constater parmi les membres fondateurs de votre réseau, l’absence des Chemins authentiques, car estampillés par l’autorité en la matière l’IGN ; en l’occurrence je n’en ai trouvé que trois :
Chemin, en Haute-Marne (Champagne-Ardenne),
Chemin, dans le Jura (Franche-Comté),
Chemin, Ambrières-les-Vallées, en Mayenne (Pays de la Loire).

L’exotisme
En japonais le chemin, la voie se dit « do », suffixe que l’on retrouve régulièrement associé aux arts martiaux (kendo, aïkido, judo…). Là encore, sans préjuger de la sagesse zen des animateurs du réseau des arts du chemin, je ne poursuivis pas cette piste.

Alors plus simplement je me suis rapproché de mon dictionnaire pour préparer ces journées, et tenter un point de vue personnel sur ces « arts du chemin », puisque tel est le titre de notre rencontre et leur éventuelle pertinence :

> chemin (nom masculin) Passage, voie assez étroite et non-revêtue, à la campagne généralementDistance à parcourir. qui sépare un lieu d'un autreDirection à suivre, itinéraire • [sens figuré] Moyen d'arriver à un résultat. Ce qui conduit à atteindre un but.
> cheminer (verbe intransitif) Marcher, faire du chemin.• Avancer régulièrement (pour une idée, un sentiment...)

Dans les échanges avec les organisateurs de ce cénacle ou dans les documents circulant sur le sujet, il est fait régulièrement référence aux arts de la rue. S’il me parait souhaitable d’avoir une connaissance de ce secteur de la création artistique, les arts du chemin n’en doivent pas pour autant négliger les autres formes du spectacle vivant, des arts visuels ou de la performance. En effet s’il est une particularité à retenir c’est davantage celle de la création in situ, sur laquelle nous reviendrons plus tard, qui ne se limite pas aux seuls Arts de la rue.

Je ne reviendrai pas sur le débat éculé quant à la définition des arts de la rue ou des arts dans la rue… D’autant que l’enjeu se trouve (comme dans d’autres champs artistiques) dans le fondement même du spectacle vivant : mise en présence simultanée d’un public et d’une œuvre, à travers le jeu d’interprètes. Certaines formes marquent la limite stricte de cette définition, comme des performances de plasticiens (L’électrocardiogramme de Boulevard Blanqui par Alain Sonneville et Pierre Claude de Castro, qui accueillaient le public dans une vitrine pour procéder à un relevé cardiaque vendu à la criée) ou certaines mises en scène sans comédiens (Les aveugles par Denis Marleau, spectacle où l’interprétation des rôles est tenue par des projections d’images de visages sur des masques …).
De ce point de vue les arts de la rue ont présenté, dans un premier temps, un intérêt majeur celui d’interroger, voire de bousculer les termes mêmes de cette définition : qu’est ce qui fait public ? quelles formes doit recouvrir une œuvre ? quelles seraient les conventions irréductibles du spectacle ?


Mais le propre d’une avant garde est de produire son classicisme, même (et surtout ?) pour des mouvements à forte revendications de rupture (les révolutions annoncées…). De part ses modalités propres de développement, une bonne partie des arts de la rue n’ont pas échappé à cette altération des remises en cause originelles, comme l’illustrent par exemple :
la diffusion, essentiellement assurée par des festivals « monomaniaques », a fini par entraîner une convention où le public n’est plus la population. Ainsi pour certaines propositions (Parfait état de marche de Pierre Pilatte), quel devient le sens d’une telle intervention, avec un public venu majoritairement assister à un « événement spectaculaire » ?
la simple transposition de propositions conventionnelles de spectacles dans l’espace public (Les petits contes nègres de Royal de Luxe) : rapport frontal scène-salle, voire gradinage, billetterie, horaire de la représentation….

Donc le simple fait d’investir l’espace public n’y suffit pas.
Au passage cet espace posé de manière évidente comme étant public, a sérieusement tendance à l’être de moins en moins public, comme l’illustrent ces quelques exemples de restriction publique de cet espace (faisant abstraction de tout jugement de valeurs quant à la pertinence de la démarche) :
au plan individuel : fermeture ou neutralisation d’une voie de circulation pour l’organisation d’un évènement privé : tournage d’un film…),
au plan collectif : parcours négociés, souvent imposés, pour des manifestations de groupes,
au plan juridique : concessions attribuées à des entreprises privées (gestion des parcs et stationnements, terrasses des bars…),
au plan des libertés individuelles : développement des nouvelles technologies (surveillance vidéo des villes et voies de circulation…), traçabilité des parcours (modes de règlement par carte bancaire ou suivi des appels téléphoniques, bracelets électroniques…) ; autant d’évolutions qui interrogent sur ce qu’il reste d’un anonymat qui caractérisait aussi l’espace dit public.

Mais bien plus que la question d’un espace (salle, rue, chemin…), reste celle de l’adéquation entre l’expression d’un geste artistique et son contexte. La simple transposition d’une œuvre dans un contexte différent ne garantit pas la pérennité de sa pertinence artistique. Aussi, bien plus que de raisonner en termes de secteurs, de lieux ou de spécialités… ; il y a un véritable enjeu artistique autour des créations en site spécifique. Il faut entendre site spécifique, dans sa plus grande acception : paysage, monument ou contextes social, économique ou culturel. Et c’est de ce point de vue qu’il me parait intéressant d’aborder les arts du chemin et les projets qui s’y développent, comme autant de créations en site spécifique.

Force est de constater que nous sommes aujourd’hui dans une société de la fragmentation…. :
- temps (rares sont les personnes n’ayant connu qu’une seule activité ou qu’un seul employeur, lors de leur vie professionnelle…),
- espace (peu de gens naissent, vivent et meurent au même endroit…)
- famille (développement des familles recomposées ou monoparentales…)
- appartenance (les modes de communications et de transports actuels permettent aux immigrés de vivre pleinement ici, tout en restant en prise réelle avec leur pays d’origine),
- technologique (amorcée dès l’origine du capitalisme, le cloisonnement des technologies atteint un point d’orgue(?) autant pour des raisons d’efficacité et de performances que par approfondissements des spécialités) …
…….. d’où la nécessité de la recomposition et du lien
De ce point de vue, seuls l’art et la philosophie permettent encore une lecture globale du monde au sens des humanités.

Comment ne pas noter le paradoxe d’un monde qui se fragmente, au moment même où il se globalise :
il n’a jamais été aussi facile de voyager (le global comme maîtrise des codes) et difficile de circuler (les immigrés comme fragment)
au moment où plus aucune culture autochtone n’est à découvrir (global), ressurgissent les attitudes communautaires (fragment)…

Curieuse chose que ces sociétés qui sont censées avoir accès à tout (globalisation, NTIC…), et qui semblent manquer de l’essentiel (retour à des formes plus ou moins dévoyées du spirituel). Citation prémonitoire de Claude Mauriac (à propos de Moderato Cantabile), qui en 1958 écrivait : « La difficulté matérielle de vivre distrait l’immense majorité des hommes de la difficultés d’être ».

Comme Henri Mandras évoquait La fin des paysans (Poche Babel), serions nous en train de vivre la fin des chemins ? Alors il ya aurait nécessité, voire urgence, à organiser un art du chemin au sens de la conservation patrimoniale de la chose !
A l’instar des terrains vagues disparus des villes, qui ont marqué l’abandon, par nos sociétés sécuritaires (concept du risque zéro), d’un lieu de la salissure et du risque, au profit de parcs de jeux sécurisés et de parcours sportifs balisés ; ne serions-nous pas en train de perdre le chemin comme mode liaison archaïque, au profit de voies de circulation encadrées et formatées (sentiers de Grande Randonnée, Chemin de St Jacques de Compostelle,…). Cette seule réponse muséale, par des chemins balisés, suffirait elle ?

Pour reprendre cet aller retour du global au fragment, je rappellerai quelques informations afin de baliser le chemin broussailleux de ma réflexion :
- il y a une dizaine d’années 80 % de la population française vivait sur 20 % du territoire, et la DATAR de l’époque prévoyait que 90 % de la population vive sur 10 % du territoire à l’horizon 2010 ?
- en 2007, nous avons passé un cap puisque plus de 50 % de la population mondiale vit en milieu urbain
Ces évolutions démographiques et géographiques (rapport urbain-rural) nous amènent à traiter du territoire, dont la rue et le chemin sont deux paramètres possibles (mais pas les seuls) ; et plus particulièrement la conscience ou la définition que l’on se fait de son territoire.

La crise des banlieues, aux confins des années 70 et 80, est un événement révélateur plus que déclenchant : on découvrait l’état d’isolement et de délabrement d’une partie de la société française (conditions dégradées de l’urbanisme, dilution du lien social, rupture du principe de continuité du service public, …). Métaphoriquement, plus qu’une réponse les arts de la rue, (comme champ artistique, et non pas terrain d’intervention sociale), ont souligné cet état sociétal (Palace à Loyer Modéré d’Ilotopie, Le caresseur public…). Une fois encore, il a fallu attendre de se trouver au coeur d’une crise grave, pour l’intégrer comme question de société. L’art, comme souvent, vint éclairer ce moment particulier où la négation de la dimension essentielle de la cité (le vivre ensemble) n’a jamais été poussée aussi loin (un urbanisme de la relégation sociale). Ainsi, peut-on voir dans les arts de la rue, une avant-garde (éclairée ?) se saisissant du territoire urbain pour le revisiter.

A l’image de cette crise, qui devait donner naissance à la Politique de la Ville, je pense qu’une part du territoire citoyen français est en grande détresse aujourd’hui, et plus encore demain. Sans l’évidence concentrationnaire des banlieues, de façon plus diffuse et discrète, je pense que le milieu rural est entré très profondément en crise. Isolé, vieillissant, en rupture de services (à commencer par le service public)…, le monde rural n’existe souvent plus qu’artificiellement (rurbains, résidences secondaires…). Devra-t-on attendre des événements révélateurs (quelles formes prendraient une crise des campagnes ?) pour se saisir de ce problème ? En pleine recomposition de la PAC (Politique Agricole Commune) européenne, à quand, une politique rurale qui ne se limiterait pas à la simple gestion agricole du territoire ? Quand cette crise latente peu intégrée politiquement, sera-t-elle traitée comme un phénomène sociétal de fond ? A quand l’élaboration d’une Politique de la Ville adaptée au nouveau contexte rural ?

Mais, face à cette vision pessimiste, je ne doute pas de la capacité humaine à réagir, selon des modalités, que fort heureusement j’ignore, en grande partie.
Une lueur d’espoir particulière toutefois : les arts du chemin ! Et si portés par une avant-garde, ces arts du chemin se saisissaient de ce territoire comme la plus belle des réponses : faire lien, lien entre les individus, lien entre les territoires, lien entre les idées… Faire lien, au-delà de stricts chemins physiques estampillés par un réseau ad hoc, en embrassant les chemins dans leur diversité et leurs richesses : du rural à l’urbain, du matériel au spirituel, et bien sur le chemin de l’altérité.Enfin, concernant la fragmentation, maintes fois évoquée dans ce texte, je constate que les arts du chemin y participent à leur manière, en proposant un genre supplémentaire. Persuadé que des scissions ne manqueront pas de voir le jour, je propose d’ores et déjà la constitution de comités clandestins pour l’instauration des arts de la rive, des arts du vallon, des arts du champ, des arts de la berge, des arts de la Schtroumpfette… ou encore des arts du chemin faisant.

Bonne route à vous tous !

Les étranges

Installés dans une cage, entre un nain de jardin et deux plantes vertes,
les Etranges vivent leur quotidien. Menant une vie extra ordinaire, ces deux
homo sapiens observent leur environnement avec curiosité, tournent en rond,
mangent, se chamaillent, se réconcilient, s'amusent.


Il est vivement conseillé de venir les observer aux horaires indiqués,
périodes propices à leur éveil et à leur sociabilité. Vous pourrez alors
communiquer avec eux en leur adressant un courrier ou en leur offrant
quelque objet susceptible de les intéresser. Peut-être aurez vous alors la
chance de tomber sur l'heure de la toilette ou sur leur intrigant rituel de
remise en forme."




11.05.2008

A travers champs

La compagnie A Travers Champs

La compagnie A Travers Champs est une compagnie de théâtre professionnelle fondée en 2003, sous le statut d’association loi 1901, par la comédienne Annick Cesbron. Ses créations ont pour principale matière le végétal. Elle s’est implantée en milieu rural, sur la ferme de la société Promoplantes au Vau Gallard à Chanzeaux, spécialisée dans la production de plantes de santé.
La compagnie est un acteur engagé dans le développement culturel de sa commune et de sa région, conjuguant dans ses créations : des racines rurales, le savoir populaire, les préoccupations environnementales, la rencontre avec le végétal.

Par le théâtre, la compagnie questionne notre rapport à la nature ; elle rend curieux, attire hors des sentiers battus.

Ma rose et moi (création 2007)

Ce spectacle intimiste parle simplement de la féminité.

Comme elle se regarde dans son miroir, Rosalie se regarde aussi à travers sa rose, une rose rouge qu’elle a adoptée. C’est une quête intérieure, un chemin refait à l’envers pour retrouver l’essence de la féminité. Le végétal est au cœur de ce journal intime.

Elle s’appelle Rosalie parce qu’elle est née dans une rose.
Elle rougit comme une pivoine et cache ses oreilles de choux.
Secrètement, elle rêve du grand amour, de la vie en rose.

Ma rose et Moi est un texte intime et poétique.

On écoute avec pudeur cette fleur qui s’effeuille au fil des saisons de l’amour.
On est transporté d’émotions par les paroles et les chants qui se répondent.
On ne quitte pas Rosalie, on emporte avec soi son parfum.

Autres spectacles :
La compagnie propose deux contes pour enfants, le conte à manger sauvage et le conte du petit Souci. Spectacle de découverte et de sensibilisation au respect de l’environnement. Les enfants découvrent les vertus des plantes médicinales tout en s’amusant.

Vol au-dessus d’un champ de soucis : déambulation sur l’exploitation de l’entreprise Promoplantes à Chanzeaux. C’est un voyage initiatique au cœur des plantes médicinales qui vous est proposé. Représentation tous les samedis et dimanches de mai à août.

Pour plus d’informations :
http://www.atraverschamps.org/
Julie Georget: 02 41 91 78 50
contact@atraverschamps.org