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8.02.2008

Les arts du chemin, appeau ou appât ?

Voici le texte de l'intervention de Denis Lecat lors du laboratoire-cénacle-rencontres des Arts du Chemin au Nombril du Monde, à Pougne-Hérisson, le mercredi 5 septembre 2007 :

"Appeau de chasse aux arts ? Aux ares citoyens, envahissons tous les espaces. L'espace vide, et l'espace tranquille. Qui veut l'appeau des arts du chemin ? Et qui veut l'appât, pas à pas, passionné, par l'appât-rôle du beaux-z'art du chemin.

Attention, che-min, che- de vilain.

Question : Les arts du chemin, c'est quoi ? Et si oui, qu'en faire ? Les arts du chemin, les arts du chemin de fer, les arts du chemin de terre, les arts du chemin de croix, les chemins de l'imaginaire, les chemins de l'image de mer, le chemin spirituel, les chemins de compost à tire d'aile, les chemins des chemins, hors les murs, en plein champ, à hautes herbes, à petites foulées, sans s'fouler, sans s'embourber dans les ornières, ... ardus chemins !

Pour moi, il y a deux types de chemins :
- les chemins horizontaux, chemins de croisées, chemins de croisades, chemins de traverse, ...
- les chemins verticaux, comme autant de parallèles qui se regardent sans jamais se toucher ; chemins verticaux, spirituels, culturels, ou parfois cultuels et spiritueux ("T'as menti !"[1]).

Bref, chemins vers soi, chemin vers l'autre, c'est ça qu'on veut, c'est ça qu'on cherche, ... peut-être.

Dans une idée de lenteur, ...

Je crois aussi qu'il faut déconner. Déconner : Littéralement, sortir la tête du trou. Déconner, se faire con, comme on se fait con, féconder.

Les Arts du Chemin, c'est comme la fricadelle, personne ne sait ce qu'il y a dedans, mais on peut trouver qu'c'est bon.

Je voudrais faire mon mea culpa : J'ai cru créé le terme « Arts du Chemin », je n'ai fait que l'inventer, comme on invente un trésor. Bernard Quinsat l'a inventé également dans les années 80. Mais on trouve déjà dans un texte sacré du XVème siècle avant JC (Jean-Claude ?), une référence aux « artes des camini per les gentum de la foresta des arbrum per les spectaculis ». Ce texte est de Jean-Michel Socrate, et s'intitule, je traduis : « Les gars, il vous reste 2000 ans pour imaginer que vous avez réinventé le théâtre dehors ».

Dans une idée de lenteur, y aller doucement : c'est pas l'art des autoroutes.

Et puis je me disais qu'être le centre d'un espace naturel, pour un ou des êtres humains pensant, juste pour un moment, réinvite peut-être dans le domaine des choses de l'esprit le concept d'humanisme modeste, à défaut d'humanisme modéré.

Theodore Roszak[2] parle d'écopsychologie[3], ou comment l'écologie du psychisme peut être investi avec bienveillance par le contact avec les éléments naturels. C'est peut-être ça aussi, les Arts du Chemin : une forme de thérapie pour les artistes fatigués de se vendre, et les diffuseurs qui voudraient ne plus acheter, mais diffuser, comme on diffuse un parfum, et si possible pas dans les toilettes.

Mais, et ce parce qu'il y a une grosse différence entre ma ville et ma compagne, je voudrais vous parler d'une forme approximative de définition précise :

Les arts du chemins seraient des spectacles qui exploreraient sous forme de questionnements et de réponses non définitives les relations et interactions entre l'être humain pensant et si possible non détenteur d'un porte-feuille boursier, son oeuvre, son chic public chic et pas cher, et la nature, à la fois sublime et bucolique, et salope et revancharde, que cette dernière soit encore primaire, sauvage, en friche, ou qu'elle soit cultivée, voire transformée jusqu'à l'asservissement, comme un arbre dans la ville, coincé entre deux albums de Maxime le Forestier.

Ouvrons les questions, abondons dans le doute, réinventons toujours ce qui ne nous intéresserait plus. Claude Gudin disait hier que les seules choses vraiment intéressantes sont celles que nous ne comprenons pas. De mon côté, y'a ma femme, et les arts du chemin. Tout ceci n'est donc peut-être qu'une invitation à penser ensemble, à construire ensemble, à nous rassembler dans nos différences, comme au PS (non, je déconne), et à nous nourrir de l'autre, de l'altérité. Parce qu'au fond, nous nous détestons tous, alors au moins que ce soit cordialement... Et qu'Eros et Thanatos dansent autour de la création.

Bref, les Arts du chemin, appeau ou appât ? Ni l'un ni l'autre : à part !"



[1] Référence à un jeu très en vogue au Nombril.
[2] Essayiste, historien, sociologue et romancier, Théodore Roszak a publié dix-huit livres. Il est notamment l'auteur de plusieurs essais qui, chacun, ont marqué leurs époques, 'Vers une contre-culture' (1970) , 'L'Homme planète' (S1980) , 'The Cult of Information' (1985) , 'The Gendered Atom' (2000) , consacré aux périls d'une vision du monde purement scientifique. Il a fondé l'écopsychologie, 'humanisme écologique' dont les théories sont exposées dans 'The Voice of the Earth' (1993) et qui, depuis, a fait école. Il est également romancier. Il vit à Berkeley, enseigne l'histoire à l'université de Californie, et collabore régulièrement au New York Times.
[3] Cf. http://www.ecopsychology.org/ et http://www.episteme.u-bordeaux.fr/ecopsycho.html

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