Google
 

8.19.2006

Les arts du chemin, par Gabriel Lucas


Les arts du chemin, par Gabriel Lucas
Contribution de Gabriel Lucas, Directeur du Nombril du Monde, à Pougne-Hérisson (Deux-Sèvres)


L'évocation de ce nom « clin d'oeil » renvoi inévitablement et évidemment aux « arts de la rue » ; et ce d'autant plus que nous sommes actuellement au coeur d'un Temps décrété au niveau national par le Ministère de la Culture et de la Communication comme étant justement celui des arts de la rue. Ce temps d'une durée de trois ans est souhaité par le Ministère comme une période de réflexion, d'innovation et d'expérimentation dans ce domaine. La création des arts du chemin arrive donc à point nommé.


Arts de la rue et arts du chemin, parenté et discontinuité

Dans les arts de la rue comme dans les arts du chemin, le mot « arts » désigne les arts vivants. Nous sommes bien dans le champs du spectacle vivant.
Par ailleurs, les arts du chemins se situent bien dans la continuité des arts de la rue, dans ce sens qu'ils procèdent de la même démarche, de la même volonté : sortir l'art, en l'occurrence le spectacle vivant, des théâtres et des lieux conventionnels de spectacle pour partir à la rencontre d'autres publics, voire (puisque le terme « public » est de plus en plus banni) de populations, d'habitants ; remettre l'art au coeur du territoire.

Bien sûr, on l'aura compris, des arts de la rue aux arts du chemin, il ne s'agit pas du même territoire : la cité dans un cas, l'espace naturel (espace rural ou jardin) dans l'autre. Mais la différence ne s'arrête pas là. Loin de se situer sur une simple opposition ville / campagne, les arts du chemin recouvrent des approches et contenus artistiques bien spécifiques.

Si la rue évoque le bâti, l'urbanisme, elle évoque aussi l'agora, le collectif, le peuple, et par extension la revendication sociale, la lutte des classes, la lutte politique. N'a t-on pas entendu dernièrement, à propos de la lutte anti-CPE : « la rue a gagné », « la rue a tranché », « la rue a décidé ». On parle volontiers du « pouvoir de la rue ». La rue bouillonne, revendique, s'oppose.

Le Chemin, lui, évoque la nature façonnée par l'homme (comme le jardin d'ailleurs). Mais il évoque aussi le trajet, le cheminement. On parle de « chemin de vie », de « chemin de croix »... « faire du chemin » c'est évoluer. Il évoque la quête. Quête du bonheur, quête du savoir, quête intime, quête mystique...

Au bouillonnement de la rue s'oppose donc la dimension contemplative du chemin ; au collectif, à la foule s'oppose l'individu ; au public le sacré ; au social l'intime ; au sociétal les éléments, le symbolique ; ... peut-on aller jusqu'à dire qu'à la revendication, à l'opposition s'oppose la quête ; à la révolution l'évolution ?

Il ne s'agit pas de ne voir aucune dimension politique dans les arts du chemin, bien au contraire. Mais les arts du chemin s'intéresseront plus spécifiquement au rapport de l'homme à la nature, à l'environnement, aux éléments, à la symbolique des choses, au monde... Ils se situeront dans une approche plutôt intimiste, contemplative,... (avec toutes les exceptions indispensables à ce typa de catégorisation !!!)

Pourquoi les arts du chemin aujourd'hui ?

A l'heure où l'on a écumé les idéologies, démonté les dogmes, se pose la question de notre rapport au monde, aux autres ; s'impose une quête de sens.

A l'heure où l'on a essayé différentes révolutions, se pose plus que jamais la question de notre évolution. Ou va-t-on ?... dans notre rapport à la planète, à la nature, à l'énergie.

A l'heure où l'on a « tué dieu », où l'on a tout rationalisé, « scientificisé », « marchandisé », s'impose le besoin de poésie, d'imaginaire, de symbolique, de ré-enchantement du monde et du territoire.

On parle volontiers de « retour au vert ». Mais est-ce une réalité ? Cela veut-il dire quelque chose ? Bien au delà il me semble que nous sommes dans une recherche de l'essentiel, de l'essence des choses ? Et l'artiste n'est pas insensible à cette quête.


Michel Crespin, un des pères fondateurs des arts de la rue, nous fait remarquer qu'à différentes périodes de l'histoire les arts vivants sont descendus dans la rue. Mais qu'à chaque tentative cela n'a duré qu'une trentaine d'années avant un rapide retour entre les murs des théâtres. Il pose la problématique suivante : Les arts de la rue tels qu'on les connaît aujourd'hui ont une bonne trentaine d'années d'existence. Sont-ils voués à disparaître ou sauront-ils évoluer pour surmonter cette crise de la trentaine ?
Peut-être que les arts de la rue doivent sortir de la rue pour continuer d'exister ? Ne le font-ils pas d'ailleurs déjà ?

Les arts du chemin me paraissent constituer un élément de réponse, une voie possible, une évolution évidente.

Aucun commentaire: