Google
 

8.20.2009

Rencontres Arts du Chemin 2009

Le réseau des Arts du Chemin vous propose
de penser la culture dans la nature à l'occasion des

5èmes rencontres nationales des Arts du Chemin
les 13 et 14 octobre 2009

au Domaine départemental de Clères,
sur l'invitation du Département de Seine-Maritime


(re)Piquer sa crise en thème au jardin


"En tant que futurologue, je peux vous dire que nous sommes maintenant dans une multicrise : crise de l'emploi, crise de l'énergie, crise des matières premières, crise démographique, crise alimentaire, crise de la démocratie, crise de l'autorité, et moi-même je sens que j'vais piquer une crise (Hahahahahahahahahah !)"
Julos Beaucarne, Extrait de Le futurologue, album Le Vélo volant (1984).





Nous sommes en crise, visiblement. On nous le dit assez. On le constate par petits bouts de rencontres, autour de nous.

Au delà de la dimension économique, la crise semble également sociétale, culturelle, "psy", et nous amène à la recherche d'un sens nouveau pour la vie ensemble. Peut-on trouver du sens au fond du jardin ? Le spectacle vivant dans la nature peut-il servir de révélateur d'un sens caché des choses ?

C'est le thème que nous aborderons lors de ces rencontres. Quel rôle avons-nous à jouer ? Quel rôle allons-nous jouer ? Le monde fait-il sa crise d'adolescence ? Que faisons-nous pour le monde ? Du point de vue de la culture, du chemin, du spectacle et du jardin, bien sûr. Est-ce essentiel ? utile ? Est-ce assez ? et Est-ce efficace ?

Professionnels du spectacle et du jardin (artistes, diffuseurs, institutionnels), mais aussi psychanalystes, scientifiques, enseignants, randonneurs, tout un chacun est invité à nous rejoindre pour se poser des questions et, peut-être, entamer collectivement et individuellement le chemin nos propres réponses, au moins temporaires. Parce que nous croyons que "cultiver son art du chemin, c'est participer à la culture du jardin planétaire."

Cultiver son jardin, c'est entretenir un rapport spécifique au monde. Rapport au temps. Rapport à la nature. Rapport aux aléas. Un savoir vivre. Se rappeler d'où l'on vient, qui l'on était.

Donc, parmi les questions, questionnements, étonnements, tâtonnements : Comment les arts... du chemin, et les autres (!) peuvent-ils accompagner les mutations du monde ? Les questionner ? Les bousculer ? Agir sur l'intime, le sensitif, le sensuel, permet-il d'agir sur le collectif ? Quelles relations entre intime et collectif ? Creuser la symbolique du jardin pour chercher la reformulation du sens commun ? Et toutes les questions que vous voudrez bien apporter avec vous, …


Programme prévisionnel des journées

Qui sera là ?
- Françoise Léger, codirectrice de la cie Ilotopie et du festival "les Envies'Rhônements" en Camargue
- Eric Legros, psychanalyste et directeur de la Maison des Enfants de la Marine à Saint-Martin Boulogne. Il travaille à la mise en place de jardins, gère un lieu de spectacles au sein de l'institution et organise des séjours de rupture pour les jeunes dans la brousse africaine.
- Hugues Bazin, chercheur indépendant en sciences sociales depuis 1993, diplômé de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales en anthropologie et en sociologie. Il travaille principalement sur la problématique des formes populaires et des émergences culturelles.
- …, Professeur à l'école des métiers d'arts


Et des artistes ?
- Cie Grégoire and co, Guingamp, Sylvie Le Quéré, chorégraphe du spectacle "Dedans le chemin" sur la marche et la danse en milieu naturel
- Cie Schpouki Rolls, Morlaix, spectacle "Cercle" sur l'invention d'un nouveau rapport au public en extérieur
- Les gens, cie, Saint-Etienne, Valérie Puech, Spectacle "Le baiser", texte issu de collages et de collectage sur le baiser, pour diffusion dans l'intimité des parcs et jardins.


Et on doit venir les deux jours ?
mardi 13 octobre
9h : Accueil café-thé-croissant /10h : Accueil formel et présentation des Arts du Chemin (Paul Astolfi, Gabriel Lucas, Denis Lecat) / 10h30 : Interventions d'invités dans le parc / 12h : Apéro et repas / 14h : Spectacle en extérieur / 15h : Ateliers de réflexion en extérieur / 17h : retour des ateliers en plénière et débat / 18h30 : pause / 19h : repas / 21h : Projection / 23h : débat, calva, "t'as menti !" / dodo

mercredi 14 octobre
9h : Ateliers / 10h30 : retour des ateliers en plénière et débat / 11h30 : synthèse / 12h : Repas / 14h : spectacle en extérieur / 15h : Interventions et débats / 16h30 : synthèse des 2 jours / 17h : clôture des rencontres / 17h30 : Clôture des clôtures


Et combien ça coûte ?
C'est gratuit, il ne vous reste qu'à prendre en charge votre transport, votre hébergement et une partie de vos repas.


Bon, on s'inscrit où ?
Renseignements et inscriptions obligatoires avant le 30 septembre auprès du Domaine départemental de Clères, 76690, CLERES, Conseil général de Seine-Maritime, tél. 02 35 33 23 08.






8.19.2009

Le jardin, un nouvel écrin pour des rencontres artistiques

Bonjour,
Je programme des lectures au jardin du Musée Lecoq dans le cadre des contre-plongées de l'été et la perception des mots dans un jardin comme celui-ci m'interpelle ; dans un jardin, l'écoute n'est pas la même ; j'ai programmé de la danse en jardin ( Yann Raballand) et du Théâtre ( Yannick Jaulin, Angélique Clairand ) mais actuellement je suis sur des lectures qui rassemblent environ 150 personnes. Je serais heureuse de vous rejoindre à l'occasion pour réfléchir aux Arts du jardin ; Je vous joins une contribution sur ce sujet, en toute modestie....
Je suis toujours en recherche d'artistes qui lisent dans les jardins...
Bonne journée.
Odile Robert
Les Contre-plongées de l'été
www.clermont-ferrand.fr/ete
Les Escales Clermontoises
Ville de Clermont-Ferrand


En investissant l’espace public, les artistes ont donné une nouvelle dimension à la rue. Certains se risquent dans les jardins mais jusqu’à présent, on trouve peu de spectacles à caractères spécifiques conçus pour les jardins. Les jardiniers semblent appeler de leurs vœux des créations artistiques se métissant harmonieusement à leurs réalisations florales ou potagères. Comment impulser l’énergie nécessaire aux uns et aux autres pour un nouveau mouvement lié aux arts des jardins ?

Pour le responsable d’une saison culturelle, programmer un spectacle, c’est organiser dans un lieu bien défini une rencontre entre un public et des artistes. Dans une salle de spectacles, les artistes sont le plus souvent sur un plateau et les spectateurs assis dans des fauteuils si possible confortables. La salle qui entoure les artistes et les spectateurs est une enveloppe obscure, feutrée, dans laquelle chacun doit se sentir à l’aise pour la concrétisation d’une véritable rencontre. La scénographie du spectacle doit trouver place dans la scénographie de la salle. Un grand soin est apporté par les architectes à la diffusion du son et à la visibilité de tous les points de la scène par tous les spectateurs. La mise en contact n’entraîne pas forcément la rencontre qui reste fragile car elle repose sur le lien invisible qui se créé entre les spectateurs, entre les artistes, et entre le groupe de spectateurs et le groupe d’ artistes. Il arrive parfois qu’un seul souffle anime salle et scène. C’est un moment exceptionnel qui s’inscrit de manière indélébile dans la mémoire de ceux qui l’ont vécu. Ces instants justifient une programmation bien au delà du discours culturel qui donne sens au choix des spectacles fait par le programmateur. Et c’est leur fragilité qui fait qu’un spectateur peut assister à de nombreux spectacles intéressants, le questionnant, répondant à différents critères de qualité, sans trouver satisfaction à sa quête de la représentation parfaite !

Avec une salle conçue à cet effet, le programmateur d’une saison se donne le maximum de conditions favorables à la réussite de la Rencontre mais comment traiter la programmation dans l’espace public ? Y a-t-il une histoire des lieux de représentations ?

A chaque spectacle, son lieu idéal mais peut-on inventer un lieu pour chaque spectacle ? Dans l’antiquité, de vastes édifices en pierre étaient conçus pour de nombreux spectateurs venus voir des spectacles aux nombreux artistes ; au Moyen-Age, les spectacles retrouvent un certain essor dans les églises puis sur les parvis, où des tréteaux ambulants prennent place avec des spectacles profanes. Jusque là, l’accueil des publics est organisé pour une rencontre propice au partage des émotions ; ensuite, avec les tréteaux, le théâtre va sur les foires, à la rencontre des publics, avec des farces, avec des moralités. Au XVIIIème siècle, la France commence à s’équiper en théâtres ; A partir de 1960, ces équipements sont complétés par « les cathédrales de la culture » et, dans les années 1980, un grand mouvement autour des Arts de la Rue va élargir la création à d’autres formes artistiques, à d’autres publics : des scénographes de spectacles ont rejoint les artistes de rue pour réfléchir à la rencontre idéale en dehors des salles de spectacles qui restent fermées à certains publics potentiels et à certaines créations conçues pour rencontrer les publics dans des lieux moins conventionnels. Sont alors apparus des « spectacles urbains » qui font une large place à la musique, aux arts du cirque, mais aussi aux feux d’artifices de proximité !

En ce début du XXIème siècle, d’autres lieux pour le spectacle réapparaissent : les jardins !
Réservés à la méditation, à la recherche de la tranquillité, aux promenades solitaires, au contact avec l’herbe et les fleurs, contact tant nécessaire pour les corps dont la mémoire est imprégnée de modes de vie archaïques, les jardins connaissent un renouveau avec des paysagistes qui les ont libérés de l’aspect rigide et guindé caractéristique de certaines écoles, alors que dans les villes, le béton est présent dans les moindres recoins. Les jardins deviendront-ils de nouveaux espaces pour les créateurs de spectacles et feront-ils apparaître de nouvelles esthétiques artistiques, créant ainsi une nouvelle catégorie de spectacles ? La légitimation nécessaire à toute nouvelle forme esthétique n’existera qu’avec une histoire et des écrits sur les expérimentations des programmateurs et des créateurs associés.

Beaucoup de jardins sont ouverts aux publics, aux personnes qui prennent plaisir à se promener, à s’asseoir sur un banc, à lire dans le calme, dans une ambiance étrangère aux rues, aux magasins, aux appartements qui bourdonnent de multiples sources sonores. Pourtant , le jardin n’est pas silencieux ! Au contraire ! Des enfants s’agitent derrière une haie, un roitelet gazouille, un merle appelle sa merlette, et les jets d’eau jasent et ne se taisent ni nuit, ni jour…., comme l’a écrit Baudelaire. Pourquoi est-ce un lieu où les notes égrenées sur le piano nous parviennent avec autant de clarté ? A cause de Chopin jouant au jardin de Nohant ? Pourquoi est-ce un lieu où l’on aime lire, où l’on aime entendre lire, pourquoi ? Qu’apporte-t-il de plus à l’écoute que la salle noire conçue pour les spectacles, ou la salle de classe prévue pour l’apprentissage des mots ? Une mémoire archaïque où l’ouie était l’alliée de la vie ?

La lecture n’est pas un spectacle comme les autres ! Le lecteur est avant tout un souffle, une respiration, une voix ! Il n’est pas interprète, il est passeur de textes. Les images se construisent dans l’imaginaire de celui qui entend lire, comme elles se construisent dans l’imaginaire de l’enfant, le soir, alors qu’au creux de son lit, il voyage au cœur d’un livre lu par l’un ou l’autre de ses parents. Toutes les formes d’écriture peuvent être lues, qu’elles soient théâtrales, poétiques, narratives, discursives , ….qu’elles prennent la forme d’un roman, d’une nouvelle, d’un poème, d’un discours, d’un dialogue … Par contre, lire n’est pas interpréter, lire n’est pas sermonner, lire n’est pas jouer … Lire, c’est faire naître des images, des pensées, des rêves, c’est s’abstraire de la vue de l’auditeur pour générer en l’autre la création d’une foultitude d’impressions, de sensations, de constructions imaginaires, et le jardin, n’est–il pas le lieu idéal pour cela ? L’univers créé par le jardinier allié à la nature est tel qu’il est souvent harmonieux ; décor naturel, ambiance et couleurs imposées par les caprices du temps, les images proposées ne sont pas du même registre que celles qui se construisent au fil des mots dans l’esprit de celui qui entend ; elles ne s’opposent pas non plus car elles ne sont pas matérialisées et il n’y a pas rupture d’harmonie ; l’esprit sécurisé, tranquillisé, alerté par un environnement qui éveille les sens, peut s’autoriser une écoute «pleine », une écoute « totale »!

Si elle n’est pas dans la démesure, la musique, elle aussi, trouve un cadre agréable dans un jardin serein, où la légèreté s’allie à la quiétude. Les colonnes d’enceintes productrices de décibels propulsés par de nombreux kilowatts n’apportent certainement pas grand chose si ce n’est une agression incomprise au promeneur qui se fait ici public et qui préfère, j’en suis sûre, de multiple points de diffusion pour des sons émis par la vibration d’une corde, d’une peau, d’une colonne d’air. Toutefois, une armée de crickets ou de cigales, une colonie de grenouilles s’accouplant joyeusement en coassant, une couvée de canards s’ébattant bruyamment , auront vite fait de compromettre la plus belle sonate de Bach ou la voix d’une soprano échappée d’un opéra.

Si le danseur contraint son pied à prendre son appui non pas comme il le fait habituellement sur le plancher recouvert du tapis, mais sur l’herbe ou sur la terre parfois humide, qui absorbe son énergie et la lui rend en feutrant son mouvement, il inscrira harmonieusement sa gestuelle dans le décor fourni par le jardin.

Plastiquement, on assiste de plus en plus à des installations en extérieur et le land’art se préoccupe de modifier des images naturelles par des apports extérieurs évoluant avec le temps, pour des créations vivantes qui se conjuguent avec la lumière, se colorent, se désagrègent, s’abîment dans un cadre plus large. Quelles qu’elles soient, ces œuvres, sont réalisées en relation avec un cadre sonore et visuel donné : la scénographie du lieu d’accueil induit la scénographie de l’objet présenté qui se fera peut-être œuvre sous le regard des publics.

Au jardin, la place des spectateurs ne peut être la même que dans une salle ; ce n’est pas un théâtre de verdure avec de grandes capacités d’accueil, cherchant à reproduire les salles existantes, qui doit répondre à l’accueil des publics. Je pense qu’il est nécessaire, au contraire, de leur proposer simplement des bancs, des coussins, un petit gradin de bois mais aussi des tapis d’herbe : savoir utiliser un vallon, à l’instar du théâtre antique, permettra une plus grande visibilité, savoir choisir un jardin protégé du bruit par une enceinte une grande écoute. Le programmateur et le créateur qui ne prévoiraient pas une place digne de ce nom à chacun des spectateurs se tromperaient sur le sens de leur action.

Le programmateur doit toujours avoir présent à l’esprit que le jardin est un lieu propice à la diffusion ; il pourra ainsi conquérir de nouveaux publics, à la recherche de nouvelles perceptions sonores ou visuelles, mais la finesse des techniques employées par les artistes sera jugée sur leur harmonie avec le lieu retenu pour La Rencontre entre les publics et l’objet présenté, rencontre qui transforme l’objet artistique en œuvre ; il devra prendre garde aux spectacles promenades pour lesquels le jardin peut devenir distraction par rapport aux textes ; les sons non reliés entre eux s’envolent dans une esthétique qui échappe à la pensée, sauf à les considérer uniquement comme performance. Dans tous les cas, programmer au jardin, c’est inscrire la culture dans la nature, l’être humain sur la terre, son regard dans le végétal, son écoute sur des ondes sans interférence.

Odile Robert
Juillet 2009