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8.11.2008

La Promenade du sceptique

"La promenade du sceptique" est un spectacle de la compagnie du Groupetto, mis en scène par Didier Mahieu, et interprété par Didier Mahieu et Jean-Marc Bourg. Il a été coproduit par le Domaine de la Roche Jagu et le Domaine de Bayssan.

C'est une forme déambulatoire, durant laquelle les deux acteurs prennent part à une discussion philosophique au sein de la nature.

Didier Mahieu :

Jean-Marc Bourg :

La philosophie dans le jardin :

Philosophie et paysage sont en dialogue constant. Les comédiens sont bons, les choix judicieux, ... Le public comprend tout. On capte, on élabore, bref, on pense, en toute humilité, les pieds par terre et la tête dans le ciel des idées :

En route !

Contact : Cie du Groupetto / Didier Mahieu
18, boulevard du Jeu de Paume -34000 Montpellier - 06.16.28.67.19 - 04.67.06.90.87

8.02.2008

A propos des « Arts du Chemin »

Voici le texte de Jean-Paul Dumas en contribution aux rencontres nationales des arts du chemin à Brétigny sur Orge, le 20 mai 2008 :

"Pour moi, les « arts du chemin » prolongent les « arts de la rue », dans un rapport au monde végétal qui convient forcément bien au monde rural sans exclure pour autant le monde urbain.
Actuellement, en une période où l’on entend beaucoup parler de projets de territoires et surtout où chacun s’attache à élargir le sien pour faire face à la baisse des crédits du Ministère de la Culture, les « arts du chemin » proposent de nouvelles formes pour les investir tout en diversifiant le public.
Ils proposent, du moins je le crois, de nouvelles formes artistiques qui peuvent être une manière d’éviter le formatage ambiant.
Que cela ait existé avant est certaineemnt vrai.
Je n’ai jamais prétendu avoir inventé l’eau chaude, mais je crois qu’avec Gabriel et Denis en particulier nous nous sommes attachés à poser les bases réelles d’une double réflexion sur le spectacle vivant et sur le monde végétal en essayant de mettre des passerelles et des questionnements communs en favorisant les rencontres entre les acteurs de ces deux univers aussi fragiles l’un que l’autre, autant mis en péril par la marchandisation galopante. Biodiversité ou diversité dus spectacle vivant, les dangers sont les mêmes.
Si l’on pense à l’histoire du théâtre, si l’on relit la « Naissance de la Tragédie » par exemple, on se rend compte que ce n’est pas d’aujourd’hui que les histoires se sont croisées et ce bien au-delà des jardins. Mais ce qui me parait nouveau aujoud’huii c’est l’afflux de propositions artistiques qui correspondent plus à un réel besoin dans la situation où nous nous trouvons qu’à une mode."

Marches et démarches des Arts du Chemins

Voici le texte de l'intervention de Denis Lecat lors des rencontres nationales des arts du chemin à Brétigny sur Orge, le 20 mai 2008 :

"Dans Malaise dans la civilisation, traduit aussi par Malaise dans la culture, Tonton Freud, parle des problèmes posés à l'être humain :
- d'abord la maladie. Bon on arrive à plus ou moins se protéger, se soigner, temporiser, voire guérir, mais on réussit très bien aussi à en mourir. Comme on n'est pas dans un congrès de toubibs, ça se verrait, y aurait des palmiers dehors, juste à côtés de calicots publicitaires pour une marque de suppo de Satan, comme on n'est pas dans un congrès de toubibs, on va laisser ça de par devers nous, si vous le voulez bien.
- Bon, ensuite la mort. Là on a pour l'instant réussi à retarder un peu l'échéance mais c'est pas génial, même si ça laisse suffisamment de recul pour se dire que finalement on n'est pas sûr de vouloir rester, tu sais comme quand t'arrives dans un boum et c'est sympa y'a des gonzesses, mais qu'en fin de soirée t'es tout seul et que c'est pas toi qu'on r'garde de toute façon parce que t'as trop dansé, trop transpiré, bref, que t'es pas en odeur de sainteté (ouais, bon, c'est une image bancale sur la vertu d'être vieux, c'est pas de Tonton Freud, hein, rassurez-vous, je sais c'est un peu nul mais j'en prends la responsabilité !).
- Quoi d'autre encore dans l'inventaire des réjouissances ? Les catastrophes naturelles. Ben là on peut toujours tenter de s'en protéger comme on peut, enfin en ce moment on est plutôt en perte de vitesse sur la côte birmane, surtout quand le manque de solidarité s'en mêle. Ce qui m'amène au dernier fléau de l'humanité :
- Les politiciens. (Non je plaisante) :
- un autre type de catastrophe naturelle : les relations humaines. Par exemple, juste un exemple parce que ça fait du bien : imaginez un léger quiproquo et une suite d'oublis qui font que les murs de mon hôtel ont été tapissés avant qu'on y mette des briques, et aussi que mon voisin de chambre malentendant est parti hier soir en boîte en laissant sa télé allumée avec le son à fond… hum, imaginez qu'à 1h20 j'appelle le gardien de nuit qui me dit qu'il n'est pas le gardien de nuit et que je lui demande ce qu'ils font d'habitude et qu'il me dise que d'habitude les gens dorment (ils ont de la chance les gens lui dis-je, du coup)… hum… enfin c'est juste un exemple, parce qu'il y a bien d'autres moments où la complexité des rapports humains se révèle inexorablement, comme un léger parfum qui flotte au dessus d'un lit d'algues échouées dans la vase lors d'une marée basse en plein soleil. Bref, ça fouette ! comme dirait Indiana.

Evidemment, c'est là où je voulais en venir. Pas à Indiana Jones, aux relations humaines. L'art à mon sens, injecte du langage et du sens (du sens quel qu'il soit, non-sens inclus), dans la vie. Tout ça pour ça. Pour vivre avec ceux qu'on pourrait appeler "les autres". Pour appréhender la distance et la différence entre ce qui fait "nous", et ce qui fait "les autres". D'où l'intérêt de travailler le rapport aux frontières.

Les artistes du chemin (entendez par là ceux qui pratiquent ou s'essayent à pratiquer les arts du chemin, c'est-à-dire à lézarder sur les chemins buissonniers de l'art, rien à voir avec le sentier lumineux), - les artistes du chemin, donc, explorent les frontières. Frontières entre art et culture, entre culture et science, frontière entre art de la scène et art contemporain, art en plastique et art en béton, dit art "chitecture", etc., etc.

Une petit parabole : Babar l'éléphant se fit une idée de la glace comme étant liée à 2 éléments : vanille et chocolat. Il goûta, et vit que cela était bon. Bon, mais pas constitutif de notre monde. Il avait oublié la fraise. C'est pour cela que Babar n'est pas Dieu.

L'opposition des contraires ne se résout que dans une forme de trinité qui sépare le bien du mal, le dessus du dessous, … Entre la peau et le noyau, il y a la chair du fruit. C'est ce que j'appelle le corps social, synthétique formulation pour dire qu'on est tous dans la même galère, entre deux cyclones, un tremblement de terre, l'arrivée de l'hiver et du Tour de France, et… les relations humaines.

Je nous souhaite de ne rien créer, car Dieu a fait assez de conneries comme ça. Mais je nous souhaite de laisser émerger de nouvelles évidences. Nous sommes ici pour les faciliter.

Autre chose : la catégorisation on s'en fout, je veux dire ça a peu d'importance face à l'essentiel, c'est-à-dire tout ce qui n'est pas la glose. Les théories, par exemple on s'en bat l'œil, ou on s'en balance, disait la tasse. Sauf que tout ça c'est du chewing-gum pour l'esprit, un banc de musculation pour le cerveau, ça muscle pendant l'entraînement, et puis, pendant la course, on oublie ça.

Arts du chemin, arts en marche, loin des lieux où monter les marches finirait par devenir une fin en soi. Les arts du chemin, c'est peut-être au contraire un début de soi. Début du corps, don de soi, à soi-même. Tisser des liens. Se trouver, se retrouver, se trouver là, hors démarchages, hors des charges municipales, dans la démarche. Le processus contre la procédure, en quelque sorte. Echange de bon processus.

N'oublions pas que l'objectif, c'est le chemin. Les arts du chemin n'ont pas d'autre projet que de vivre de leur propre processus de découverte, très verte, du coup, et de leur propre processus de développement. Et peut-être aussi une OPA sur Total, pour transformer définitivement les pompes à gasoil en stations de friandises éco-durable, éthiques, biologiques, équitables … Pour ça va falloir faire et vendre des t-shirts et des mugs à l'effigie de notre mascotte, peut-être un lézard qui s'appellerait Duchemin, ou des Gabriel Lucas en peluche, on verra ça avec le service développement marketing du réseau.

"Nous sommes des êtres de langage" disait l'autre. Nous construisons nos identités par le langage. Notre identité est inséparable de là où nous sommes, de là où nous vivons, des espaces que nous traversons. D'où l'intérêt de prendre en compte les environnements patrimoniaux, naturels, imaginaires, humains, qu'ils soient visuels, sonores, olfactifs ou kinesthésiques et gastronomiques.

C'est un besoin de se réapproprier l'environnement naturel, le "vivant" en dehors de l'humain, ce que j'appelle le vivant non-humain, qu'il soit végétal, animal, minéral, ou de ce nouveau règne étrange de la chronophagie télévorace.

Nous sommes des êtres de mots, pas de mots d'ordre. Nous sommes des êtres de syntaxe (priez pour nous), de syntaxe sur la valeur ajoutée. Nous sommes aussi des êtres de grammaire indigne. Composons donc les mots de demain : les mots doux, les mots durs, les mots d'oiseaux des drôles d'oiseaux que nous sommes, qui ont conscience de leur finitude, et qui sont animés de désir.

Pour aujourd'hui : Eviter l'autocongratulation, et se réjouir de la rencontre, et penser en marche, passer des marchés, faire son marché de pensées dans les jardins, et faire marcher les spectateurs, avec leur consentement, et faire marcher la pensée et l'idée en marche du "faire et vivre ensemble".

Encore un truc : les valeurs associées aux arts du chemin :
- La valeur temps (le temps de rencontrer, d'échanger, de construire et d'improviser),
- La valeur développement du râble : celle du lapin évidemment.
- L'esprit du travail collaboratif, et l'idée de passer au travail réflexif et de laisser tomber l'animatoire stérile. Faire du "populaire", de l'"élitaire pour tous", comme disait Vitez. "Plaire et instruire", comme disait La Fontaine.

Moi je dis, transpirer la créativité pour inventer la vie à venir, sans laisser la vie advenir les bras ballants. "Baise la vie à mort" disait Higelin.

Il est temps à nouveau de déboiser la langue, et de reboiser l'imaginaire et de réconcilier l'homme et la nature, l'homme et sa propre nature, tout naturellement."

Les arts du chemin, appeau ou appât ?

Voici le texte de l'intervention de Denis Lecat lors du laboratoire-cénacle-rencontres des Arts du Chemin au Nombril du Monde, à Pougne-Hérisson, le mercredi 5 septembre 2007 :

"Appeau de chasse aux arts ? Aux ares citoyens, envahissons tous les espaces. L'espace vide, et l'espace tranquille. Qui veut l'appeau des arts du chemin ? Et qui veut l'appât, pas à pas, passionné, par l'appât-rôle du beaux-z'art du chemin.

Attention, che-min, che- de vilain.

Question : Les arts du chemin, c'est quoi ? Et si oui, qu'en faire ? Les arts du chemin, les arts du chemin de fer, les arts du chemin de terre, les arts du chemin de croix, les chemins de l'imaginaire, les chemins de l'image de mer, le chemin spirituel, les chemins de compost à tire d'aile, les chemins des chemins, hors les murs, en plein champ, à hautes herbes, à petites foulées, sans s'fouler, sans s'embourber dans les ornières, ... ardus chemins !

Pour moi, il y a deux types de chemins :
- les chemins horizontaux, chemins de croisées, chemins de croisades, chemins de traverse, ...
- les chemins verticaux, comme autant de parallèles qui se regardent sans jamais se toucher ; chemins verticaux, spirituels, culturels, ou parfois cultuels et spiritueux ("T'as menti !"[1]).

Bref, chemins vers soi, chemin vers l'autre, c'est ça qu'on veut, c'est ça qu'on cherche, ... peut-être.

Dans une idée de lenteur, ...

Je crois aussi qu'il faut déconner. Déconner : Littéralement, sortir la tête du trou. Déconner, se faire con, comme on se fait con, féconder.

Les Arts du Chemin, c'est comme la fricadelle, personne ne sait ce qu'il y a dedans, mais on peut trouver qu'c'est bon.

Je voudrais faire mon mea culpa : J'ai cru créé le terme « Arts du Chemin », je n'ai fait que l'inventer, comme on invente un trésor. Bernard Quinsat l'a inventé également dans les années 80. Mais on trouve déjà dans un texte sacré du XVème siècle avant JC (Jean-Claude ?), une référence aux « artes des camini per les gentum de la foresta des arbrum per les spectaculis ». Ce texte est de Jean-Michel Socrate, et s'intitule, je traduis : « Les gars, il vous reste 2000 ans pour imaginer que vous avez réinventé le théâtre dehors ».

Dans une idée de lenteur, y aller doucement : c'est pas l'art des autoroutes.

Et puis je me disais qu'être le centre d'un espace naturel, pour un ou des êtres humains pensant, juste pour un moment, réinvite peut-être dans le domaine des choses de l'esprit le concept d'humanisme modeste, à défaut d'humanisme modéré.

Theodore Roszak[2] parle d'écopsychologie[3], ou comment l'écologie du psychisme peut être investi avec bienveillance par le contact avec les éléments naturels. C'est peut-être ça aussi, les Arts du Chemin : une forme de thérapie pour les artistes fatigués de se vendre, et les diffuseurs qui voudraient ne plus acheter, mais diffuser, comme on diffuse un parfum, et si possible pas dans les toilettes.

Mais, et ce parce qu'il y a une grosse différence entre ma ville et ma compagne, je voudrais vous parler d'une forme approximative de définition précise :

Les arts du chemins seraient des spectacles qui exploreraient sous forme de questionnements et de réponses non définitives les relations et interactions entre l'être humain pensant et si possible non détenteur d'un porte-feuille boursier, son oeuvre, son chic public chic et pas cher, et la nature, à la fois sublime et bucolique, et salope et revancharde, que cette dernière soit encore primaire, sauvage, en friche, ou qu'elle soit cultivée, voire transformée jusqu'à l'asservissement, comme un arbre dans la ville, coincé entre deux albums de Maxime le Forestier.

Ouvrons les questions, abondons dans le doute, réinventons toujours ce qui ne nous intéresserait plus. Claude Gudin disait hier que les seules choses vraiment intéressantes sont celles que nous ne comprenons pas. De mon côté, y'a ma femme, et les arts du chemin. Tout ceci n'est donc peut-être qu'une invitation à penser ensemble, à construire ensemble, à nous rassembler dans nos différences, comme au PS (non, je déconne), et à nous nourrir de l'autre, de l'altérité. Parce qu'au fond, nous nous détestons tous, alors au moins que ce soit cordialement... Et qu'Eros et Thanatos dansent autour de la création.

Bref, les Arts du chemin, appeau ou appât ? Ni l'un ni l'autre : à part !"



[1] Référence à un jeu très en vogue au Nombril.
[2] Essayiste, historien, sociologue et romancier, Théodore Roszak a publié dix-huit livres. Il est notamment l'auteur de plusieurs essais qui, chacun, ont marqué leurs époques, 'Vers une contre-culture' (1970) , 'L'Homme planète' (S1980) , 'The Cult of Information' (1985) , 'The Gendered Atom' (2000) , consacré aux périls d'une vision du monde purement scientifique. Il a fondé l'écopsychologie, 'humanisme écologique' dont les théories sont exposées dans 'The Voice of the Earth' (1993) et qui, depuis, a fait école. Il est également romancier. Il vit à Berkeley, enseigne l'histoire à l'université de Californie, et collabore régulièrement au New York Times.
[3] Cf. http://www.ecopsychology.org/ et http://www.episteme.u-bordeaux.fr/ecopsycho.html